Les jeunes de plus en plus dingues de la seringue
Ces dernières années, les 1835 ans ont investi les salles d’attente des cabinets de médecine esthétique. Une «génération selfie» qui tente d’effacer dès leur apparition les premiers signes de l’âge.
Et à 21 ans, c’est le drame. Là, pile entre les deux sourcils. Imane a beau s’éloigner du miroir, elle ne voit qu’eux. Deux (micro) sillons verticaux se sont invités sur son visage. La fameuse ride du lion, légèrement en avance. Le temps passe, c’est inexorable, mais la jeune femme n’était «pas prête» à voir chaque jour la preuve au beau milieu de la face. Sérums, crèmes, alimentation… Grande amatrice de contenu skincare sur les réseaux sociaux, la jeune femme, qui a grandi sous le règne tyrannique d’Instagram, fait pourtant tout ce qu’elle peut pour conserver une peau «glowy» et rebondie. Il y a quelques mois, elle a même succombé à la tendance de se scotcher le visage pendant la nuit pour figer momentanément les muscles et diminuer les rides au réveil. Trois ans plus tard, fini de tergiverser. Rendez-vous est pris
nd dans un cabinet de médecine esthétique à Figueres, en Espagne.
Pour 250 euros, la jeune femme va réaliser un «baby botox», une injection microdosée de toxine botulique pour figer les muscles et prévenir l’apparition de ridules. Resté longtemps l’apanage des femmes plus âgées, le botox séduit désormais les peaux jeunes, appâtées à grands coups de slogans marketing. Botox, injections d’acide hyaluronique, épilation laser, soins du visage… Les 18-35 ans sont de plus en plus nombreux à se tourner vers la médecine esthétique: en 2023, ils représentaient près de 50 % de la patientèle de la clinique privée des Champs-Elysées – leader en France, qui revendique près de 25 % des parts de marché–, contre seulement 8% en 2010.
Aux yeux de sa cofondatrice Tracy Cohen Sayag, un tel boom s’explique avant tout par l’explosion du nombre d’actes à leur disposition. «En 2010, la médecine esthétique était limitée aux injections. Aujourd’hui, de nouveaux traitements corrigent des problèmes longtemps occultés : l’acné, l’hydratation de la peau, les signes de l’âge…» liste-t-elle. Preuve toutefois que la communication joue un rôle clé : «Il vaut mieux prévenir que guérir et faire un petit baby botox à 20-25 ans plutôt que de ne rien faire, laisser les rides s’installer et devoir faire un vrai botox à 40 ans, qui sera moins naturel», récite Imane. Une idée que l’on retrouve noir sur blanc, dans des termes quasi similaires, sur le site internet de la Clinique des Champs-Elysées.
«Rester beaux». Son amie Sarah, 23 ans, est elle aussi une habituée des centres de médecine esthétique. Après trois injections d’acide hyaluronique pour repulper ses lèvres (dont les premières remontent à ses 19 ans), deux soins du visage (micropeeling et hydrafacial) et d’autres actes plus lourds de chirurgie esthétique, la jeune femme s’est également laissée tentée par le baby botox. Son but: «Ralentir le vieillissement de ma peau, mais que sur certaines zones.» Pour le moment, pas question de toucher aux ridules au coin des yeux.
Dans le viseur : les premiers signes de l’âge. Une peau qui perd en élasticité, des rides qui se creusent, un teint qui se ternit… Pour le sociologue JeanFrançois Amadieu, spécialiste de la question de la beauté et des jeunes, aucun doute, la tendance des piqûres et des seringues témoigne avant tout d’une volonté de fer de «rester beaux». Comprendre : rester jeunes. Dans son cabinet parisien, le docteur Oren Marco voit défiler nombre de jeunes femmes «paniquées»