«La Joconde» : un nouvel écrin pour le joyau du Louvre ?
500 millions d’euros, c’est le montant estimé du projet Grand Louvre sur lequel travaillerait depuis deux ans la présidente du musée, Laurence des Cars. Cela permettrait, entre autres, d’offrir un nouvel écrin à la Joconde, visitée chaque jour par plus de 20 000 personnes dans des conditions qui ne permettent pas vraiment le tête-à-tête souhaité par Léonard de Vinci. Mais en ces années de disette, avec une coupe sèche de 204 millions imposée par Bruno Le Maire au ministère de la Culture, on imagine qu’il ne sera pas si facile de convaincre Bercy de mettre la main au pot. La ministre de la Culture, elle, y serait favorable, d’aut ant que le modèle économique du Louvre, avec l’an passé près de 9 millions de visiteurs enregistrés, est largement bénéficiaire. Du côté du musée, «on ne souhaite pas commenter ce qui est au stade d’un projet».
Comme le raconte notre consoeur du Figaro, la question de la place et de l’accès au joyau du Louvre avait été largement débattue en 2016 lors des travaux de la pyramide, sans succès. Puis en 2019, à l’occasion de la grande rétrospective consacrée à De Vinci, avec un toilettage de la salle des Etats qui avait été fermée plusieurs mois, occasionnant le déménagement temporaire du tableau dans la galerie Médicis.
Nommée depuis à la présidence du Louvre, Laurence des Cars ne désarme pas. Et face à la grogne des visiteurs, étrangers notamment, qui ont récemment jugé, dans une enquête du site CouponBirds collectant 18 176 critiques, que la Joconde était «l’oeuvre la plus décevante du monde», elle aurait élaboré un plan prévoyant la construction sous la cour Carrée, de deux nouvelles salles : l’une entièrement réservée à la Joconde, l’autre dédiée aux expositions temporaires. L’entrée se ferait côté Louvre-Rivoli. Un doublé gagnant qui permettrait d’offrir à la Joconde, comme c’est le cas pour Guernica présenté seul dans sa salle au Reina Sofia, un petit temple sur mesure et de désengorger l’accès par la pyramide.
En attendant, la Joconde, qui en a vu d’autres, devrait rester à sa place. N’en déplaise à l’association International Restitutions qui a déposé jeudi une requête auprès du Conseil d’Etat pour que le chef-d’oeuvre confié à François Ier – sous la protection duquel Léonard de Vinci, répudié par les Médicis, s’était réfugié à l’hiver 1516 – soit «radié de l’inventaire du Louvre» pour être «restitué» à l’Italie (demande hautement farfelue qui n’a quasiment aucune chance d’aboutir). Imperméable au jet de soupe des militantes écolos de Riposte alimentaire (en janvier), aux éclaboussures de tarte à la crème (en 2022), aux attaques à la tasse de thé (en 2009), au spray rouge (en 1974), légèrement blessée par le jet de pierre d’un jeune garçon de café bolivien dans les années 50 et encore planquée pendant la Seconde Guerre mondiale dans les Causses insubmersibles du Lot après avoir été escamotée deux ans par un vitrier italien, la Joconde a tout connu.
Depuis mars 2005, elle est installée en majesté dans la salle des Etats et cohabite avec un autre chef-d’oeuvre, les Noces de Cana de Paul Véronèse. Lequel, éclipsé par son envahissante voisine, aurait lui aussi à gagner à cette reconfiguration.