Série / «The Hour», heures de gloire
Portée par l’écriture d’Abi Morgan et par son casting, la série britannique met en scène les coulisses d’une émission d’investigation dans les années 50.
En 2013, la dramaturge, scénariste et showrunneuse britannique Abi Morgan reçoit aux Etats-Unis un Emmy Award du meilleur scénario pour la mini-série, The Hour (disponible sur Arte.tv). Quelques semaines plus tôt, la BBC lui avait annoncé qu’il n’y aurait pas comme c’était prévu de troisième saison, laissant en suspens le cliffhanger de la deuxième. Les audiences de celle-ci avaient été jugées décevantes et comme disent toujours les décideurs dans ces cas : «Il a fallu faire des choix difficiles…» C’est évidemment assez cocasse car la série ne parle pas d’autres choses : la lutte pour le lancement et la survie d’une émission de qualité sur l’antenne de la BBC dans les années 50. Une jeune journaliste, Bel
Rowley (super Romola Garai) se voit confier la rédaction en chef d’une émission d’investigation qui doit casser les codes de l’info routinière et chercher le scoop, la vie de la rue avec pour le déverser en tranche haletante un reporter présentateur capable de capter l’attention : ce sera Hector Madden (interprété par Dominic West, star de The Wire) dont on apprendra à découvrir peu à peu les tendances de gros dragueur alcoolique. Madden est imposé par la direction, barrant la route à l’ambitieux Freddie Lyon (Ben Whishaw), esprit frondeur jugé trop freestyle pour tenir l’antenne.
La première saison se déroule sur fond de crise de Suez et joue d’une intrigue d’espionnage et de crimes, suggérant à chaque détour d’intrigues un emberlificotage de sousrécits dont on ne garde pas grand-chose en mémoire. Ce qui compte est ailleurs, dans le plaisir du groupe constitué pour mener à bien l’émission avec des personnages dont Abi Morgan a fignolé la stature et le verbe haut, la rédaction étant un champ de bataille traversé de vacheries dites avec un air détaché. La comédienne Anna Chancellor notamment campe merveilleusement la rédactrice en chef stylée du service étranger, enchaînant clopes et verres de whisky tout en essayant d’imposer des sujets internationaux en lieu et place des intrigues de Buckingham –l’actrice étant par ailleurs la petite-fille de Christopher Chancellor qui dirigea Reuters après guerre pendant une dizaine d’années. En journaliste d’investigation séduisant et tête-à-claque, Ben Whishaw prouve s’il était besoin qu’il vaut beaucoup mieux que son rôle de Q dans la série James Bond.