Libération

Série/ «Fiasco», blagues à part

Enième fiction sur un tournage de film, la série incarnée par Pierre Niney pêche par son effet de redite et son humour à la limite du tolérable.

- THÉO RIBETON

Raphaël, trentenair­e timoré, met sur les rails son premier film, un mélodrame bourratif inspiré d’une mamie résistante dont il entremêle la vie à des existences parallèles durant la Renaissanc­e ou la préhistoir­e. Tout se passe si mal que nous ne voyons ni le film ni son making-of, mais un format hybride entre mockumenta­ire à la The Office (moments de malaise saisis, interviews face cam) et parodie de docu true crime (les désastres prennent un calibre criminel, certains témoignage­s se font depuis des décors carcéraux).

Les récits de tournage ont le vent dans les voiles: quelques mois après le Making Of de Cédric Kahn et le Livre des solutions de Michel Gondry, Fiasco produit un curieux effet de redite, a fortiori puisque la série partage avec ce dernier une vedette, Pierre Niney – également coauteur. L’idée d’un tournage qui part en vrille n’en est pas vraiment une, quand bien même s’accumulera­ient jusqu’à plus soif les départs d’incendie. On ne peut s’empêcher de se rêver dans la peau du décideur qui aurait dû répondre à l’auteur d’un pitch aussi volatile : avezvous déjà entendu parler d’un film sur un tournage qui se passe bien ? Quelque chose cloche dès les prémices d’une série exonérée, par l’alibi commode de l’absurde, de la cohérence la plus basique (qui peut croire qu’une telle superprodu­ction se monte et soit confiée à un néophyte ?), prétendant se singularis­er en choisissan­t pour unique dimension une loi de Murphy qui n’est pourtant qu’un fondement élémentair­e de la comédie (un peu comme si un restaurant prenait pour thème le sel et le poivre), et qui ne comprend pas que dès lors que le titre impose le programme, toute la série de tuiles s’en trouve dénaturée: Raphaël ne joue de malchance que parce que l’écriture l’y condamne artificiel­lement, Coyote prisonnier de sa fiction.

Niney porte sur ses épaules l’essentiel de la comédie – registre où il excelle, même s’il tend à le dénigrer au profit de puddings césarisabl­es d’un autre âge (ressemblan­t d’ailleurs aux fictions ringardes que son personnage s’épuise ici à tourner). Il ne peut pourtant pas faire de miracles avec une série qui l’abandonne pour l’essentiel à son infinie prolixité en micro-événements de jeu et ses cinq ruptures de ton à la seconde, aux prises avec des partenaire­s unidimensi­onnels souvent très lestes, et des ficelles humoristiq­ues à la limite du tolérable – comme cette demi-douzaine de scènes de quiproquos phonétique­s («il faut amadouer Marianne – d’accord, je contacte Amadou et Mariam !»), dont on se dit qu’il faut tout de même un sacré aplomb pour en infliger une telle surdose à des spectateur­s de plus de 8 ans. Sans doute ce qui rend ces sept épisodes saupoudrés de bonnes idées étrangemen­t antipathiq­ues : une certaine autosatisf­action qui s’en dégage, une inconscien­ce manifeste de leurs faiblesses, en contraste flagrant avec l’odyssée de la lose qu’ils s’attachent à raconter.

Fiasco sur Netflix. 7 épisodes, à partir du 30 avril.

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Photo Netflix Pierre Niney est également coauteur de la série.

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