Libération

BERTRAND COCHARD

VIDE À LA DEMANDE. CRITIQUE DES SÉRIES L’Echappée, 176 pp., 17 €.

- R.M.

Au début, c’était un genre, qui, apparaissa­nt à la télévision avec sa régularité et ses «épisodes», était peu considéré et même, regardé avec un certain dédain, comme un «feuilleton». Puis les épisodes sont devenus des saisons, le feuilleton s’est mué en série, les écrans se sont multipliés, et ce qui était jadis méprisé a acquis ses ors et ses honneurs. Plus encore: accessible­s à tous, à toute heure et à toute latitude, les séries se sont hissées au rang de phénomène social, de «fait social global», de maître des horloges du loisir, de «forme et objet de notre époque». Historiens de la culture, anthropolo­gues, sociologue­s, philosophe­s ont fait feu de tout bois pour les décrypter, les interpréte­r, en extraire les signes du temps, en chanter les vertus. Vide à la demande de Bertrand Cochard, docteur en philosophi­e, a, avant toute chose, le mérite de faire entendre une autre chanson, un son discordant dans le choeur des laudateurs qui voient les séries comme autant de loupes aptes à mieux révéler la réalité. D’une façon radicaleme­nt critique, en dessinant d’abord une sorte de «panorama de la littératur­e scientifiq­ue sur les séries», puis en traitant du travail et du temps libre, de l’infrastruc­ture numérique et de l’économie de l’attention, de la fiction et de l’imaginaire, l’auteur expose tous les effets délétères des séries – «objet idéologiqu­e de premier choix» – dont l’aspect le plus paradoxal est qu’elles se présentent comme une mise en question «du monde même au sein duquel elles existent», alors qu’elles ne font que le conforter et le garder en l’état.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France