Exploitation des données: il est temps de désinstaller Grindr
Ah Grindr… On aime, depuis nos premiers émois numériques, détester l’application de rencontres (sexuelles) pour hommes gays, bis
n d et trans. Et pour cause : la plateforme, lancée aux Etats-Unis en 2009, a rendu la drague facile entre mecs grâce à la géolocalisation, tout en permettant à de nombreux homos de sortir de leur isolement et de vivre leur sexualité. Cependant, l’outil numérique a eu moult occasions de révéler sa face sombre. Notamment concernant l’utilisation des données personnelles de ses 13 millions d’utilisateurs actifs dans le monde. Depuis lundi, Grindr est poursuivi au Royaume-Uni devant la Haute Cour de Londres par des centaines eux pour avoir communiqué –sans leur consentement – tout un tas d’informations privées, dont le statut sérologique, à des tiers (des services d’optimisation, puis des annonceurs), contrevenant à la réglementation britannique sur la protection des données.
Un porte-parole se défend : «Nous nous engageons à protéger les données de nos utilisateurs et à nous conformer à toutes les réglementations applicables en matière de confidentialité des données, y compris au Royaume-Uni.» Mais c’est oublier que l’application a déjà été condamnée en 2021 en Norvège à une amende record pour avoir illégalement vendu des données (coordonnées GPS, âge, sexe…) à des publicitaires. Grindr a fait appel de cette décision l’an passé. La plateforme est également accusée par l’ONG Humans Rights Watch de ne pas suffisamment protéger les homos des «traques en ligne» orchestrées par les autorités de différents pays menant des politiques anti-gay, comme en Egypte, au Liban, en Jordanie, en Tunisie et récemment au Qatar. L’émergence de Grindr aurait aussi contribué à la désertion des lieux communautaires (bars, sex clubs, espaces de drague) en privatisant les rencontres, même si d’autres phénomènes, comme la gentrification des quartiers gays, sont pointés du doigt.
Enfin, c’est sur la plateforme et ses concurrentes (Scruff, Hornet, etc.) que le chemsex, sexualité associée à une prise de produits psychotropes, s’est largement démocratisé ces dix dernières années avec son lot de prises de risque, de conduites addictives et de morts. Une liste de griefs, longues comme le bras, qui nous donne envie d’appeler à une désinstallation massive de l’application – et des autres tant qu’on y est –, du moins tant que celle-ci n’a pas assuré à ses clients – car il s’agit bien de clients – qu’ils peuvent bien baiser (ou se rencontrer) de la manière la plus safe possible. En une phrase : séparons-nous de Grindr !