A Paris, le GUD veut jouer sa marche retour
Marque historique de l’extrême droite, réactivé en 2022, le mouvement veut maintenir samedi son défilé annuel à Paris, pourtant interdit par la préfecture. Ses vieilles gloires y côtoinedraient la nouvelle génération, pas moins violente et radicale que se
Ils comptent toujours mobiliser leurs troupes. Malgré l’interdiction de la préfecture de police de Paris, le mouvement néofasciste Groupe Union Défense (GUD) et ses satellites locaux espèrent toujours pouvoir défiler samedi à Paris pour le rendez-vous annuel de la mouvance. Les organisateurs ont saisi le tribunal administratif dans le cadre d’un référé-liberté. L’an passé, les images très médiatisées de centaines de nervis vêtus de noir, la plupart masqués, en rang, drapeaux à croix celtique au vent et slogans racistes aux lèvres, avaient choqué. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait été contraint d’annoncer «l’interdiction» de toute nouvelle manifestation «d’ultradroite, d’extrême droite».
Les responsables de cette mouvance radicale comptent sur le tribunal administratif pour leur permettre de défiler comme ils le font depuis trente ans cette année, en souvenir du décès accidentel d’un des leurs, Sébastien Deyzieu. Le 9 mai 1994, le jeune homme participait à un rassemblement antiaméricain interdit par les autorités et organisé place Denfert-Rochereau à l’appel du GUD et des Jeunesses nationalistes révolutionnaires. Poursuivi par des policiers, il était tombé d’un toit rue des Chartreux, un kilomètre plus loin. Dans la foulée, le Front national de la jeunesse (organisation de jeunesse du FN devenu RN) et le GUD fondent conjointement le Comité du 9-Mai (ou C9M, qui donne son nom à l’événement). L’une de leurs premières actions : faire irruption armes au poing dans les locaux de Fun Radio pour réclamer la démission du ministre de l’Intérieur de l’époque, Charles Pasqua, dont ils venaient d’échouer à investir le domicile… Dès l’année suivante, ils mettent sur pied la commémoration qui se termine généralement dans la cour de l’immeuble où Deyzieu a fait sa chute mortelle.
Peu à peu tombé en désuétude, le rendez-vous est désormais repris en main par une nouvelle génération, qui en a fait une démonstration de force. Mais cette année avec un plan Vigipirate renforcé, ainsi que les élections européennes qui approchent et les Jeux olympiques, de nouvelles images comparables à celles de l’an passé seraient du plus mauvais effet pour le ministère de l’Intérieur. Le préfet de police a par conséquent décidé de son interdiction, invoquant la nécessité «de prévenir les risques de désordre et les atteintes à l’ordre public».
Les organisateurs pensent pouvoir faire tomber en justice cet arrêté. Ils ont d’ailleurs intensifié leur propagande sur les réseaux sociaux à mesure qu’approche le jour J. Un peu partout en France, des groupuscules collent des affiches appelant à participer au défilé et annoncent leur présence. A Paris il y a une dizaine de jours, le GUD a même mis en scène un tractage devant la fac d’Assas, qui fut son fief historique. Selon nos informations, les affiches et stickers ont été récupérés par des militants venus de tout le pays lors du colloque des racialistes de l’Institut Iliade, tenu le 6 avril à la maison de la Chimie à Paris.
ClinS d’oeil
Si le défilé devait se tenir, l’éventuelle présence de certaines figures de la mouvance, en tête desquelles Frédéric Chatillon, figure tutélaire du GUD dans les années 90, sera scrutée. Reconverti dans les affaires et proche de Marine Le Pen, l’homme n’a jamais rompu avec les marges radicales: ni sur le plan humain ni sur le plan idéologique, lui qui aime à semer les clins d’oeil codés à connotations païennes ou nazifiantes. L’an passé, Chatillon avait félicité les participants au défilé, ajoutant : «J’espère que les 30 ans de la mort de Sébastien seront un événement majeur et je compte bien y être présent, je lui dois bien ça !»
D’autres figures de la «GUD connexion», liées au RN et à Marine Le Pen, participaient déjà au défilé en 2023, comme Axel Loustau et Olivier Duguet. Tous deux sont d’anciens trésoriers de Jeanne, le microparti de Marine Le Pen. Ex-conseiller régional RN d’Ile-deFrance, Loustau reste en outre, via un holding dirigé par son fils Gabriel, actionnaire de l’entreprise de communication e-Politic. Celle-ci, a révélé Libé, est prestataire du parti d’extrême droite pour les européennes. Gabriel Loustau est par ailleurs un pilier du nouveau GUD (lire ci-contre).
Gênant quand on connaît le degré de radicalité d’un groupuscule qui a par exemple organisé une conférence sur «la tentation du terrorisme politique» le 5 avril. La réunion était annoncée par un visuel reprenant la photo de l’attentat d’extrême droite perpétré à la gare de Bologne en 1980 (85 morts), et animée par Gabriele Adinolfi, ancien activiste d’extrême droite de l’Italie des années de plomb. Le GUD assure qu’il «est indispensable», «pour éduquer un jeune militant», de «lui faire affronter l’épreuve de la lutte physique contre l’ennemi».
La nouvelle génération a repris le flambeau de ses aînés, sans maintenir la couverture du syndicalisme étudiant. Un premier groupe fondé en 2018, les Zouaves Paris, a maintenu la flamme et a permis à ces jeunes de faire leurs armes, au point d’être interdit par les autorités fin 2021. Ils étaient emmenés par Marc de Cacqueray-Valménier, néonazi mêlé à de nombreuses violences, issu d’une famille très liée aux royalistes de l’Action française. Sous sa coupe, les jeunes pousses ont pris assez de galon pour revendiquer la «marque» GUD, réactivée à l’automne 2022. Au GUD Paris, les jeunes identitaires bien peignés de la Cocarde ou de Génération identitaire (organisation dissolue en 2021) côtoient des crânes rasés bardés de tatouages nazis. Le mouvement est le soleil noir dans l’orbite duquel gravitent plus d’une vingtaine de groupuscules, capables de mobiliser des dizaines, si ce n’est des centaines, de militants.
SéanCe de torture
Le coup de poing est leur unique raison d’être. Sur les Champs-Elysées, dès l’été 2018, à peine majeurs pour la plupart, les Zouaves agressaient des supporteurs algériens.
Quelques mois plus tard ils ont aussi fait parler les poings dans les défilés de gilets jaunes, allant jusqu’à attaquer un cortège du NPA à Paris, avant de se faire chasser du mouvement. En 2020, formant un service d’ordre officieux dans la «Marche pour la vie» anti-IVG, ils frappaient un journaliste. Puis ils ont investi les manifestations antivax, ou tabassé des militants pacifiques de SOS Racisme dans la salle du meeting d’Eric Zemmour, à Villepinte (Seine-Saint-Denis) en décembre 2021. Un an plus tard, le 13 décembre 2022, ils ont tenté une descente raciste en plein Paris empêchée par l’action des forces de l’ordre, le soir du match France-Maroc.
Une passion pour la violence qui ne connaît pas de limite. L’un des lieutenants de Marc de CacquerayValménier, Kléber Vidal, a été jugé en juin 2022 pour sa participation à une séance de torture contre… son propre chef de l’époque, Edouard Klein. Dans la bande figuraient aussi Romain Bouvier et Loïk Le Priol, les deux assassins du rugbyman argentin Federico Martín Aramburú, tué par balles le 19 mars 2022 à Paris. Le Priol avait tenté de rejoindre l’Ukraine après son forfait, sans doute pour atteindre le front de l’Est... où se trouvaient aussi des gudards.