Libération

L’Etat hébreu peut-il l’emporter ?

Les bookmakers placent Israël parmi les favoris de la compétitio­n. Mais s’il est plus facile de se mobiliser pour faire gagner un pays que pour le faire perdre, rien n’est joué d’avance.

- QUENTIN GIRARD

Les parieurs en ligne ne s’y trompent pas. Le site spécialisé Eurovision­world.com, qui fait la moyenne de la cote donnée par treize entreprise­s de paris, plaçait vendredi (à 17 heures) Israël à la deuxième position avec 21 % de chance de gagner le concours, derrière la Croatie (42%). Depuis que la chanteuse Eden Golan s’est qualifiée pour la finale, sa cote ne fait que monter. En partie à cause d’une erreur de la RAI, la télévision publique italienne, qui a dévoilé les votes des téléspecta­teurs du pays pour les demi-finales : Israël aurait obtenu 39,31% des voix, loin devant les Pays-Bas (7,32 %), deuxième de ce classement. Même si ces chiffres, qui n’auraient pas dû être diffusés, ne sont pas exacts, ils démontrent qu’à l’Eurovision, il est plus facile de se mobiliser pour faire gagner un pays que pour le faire perdre. Rappel du règlement : les téléspecta­teurs des 37 pays participan­ts cette année et ceux du monde entier (ce qui compte pour un pays supplément­aire) peuvent voter pour les 26 candidats qualifiés pour la finale (à l’exclusion de leur candidat). Chaque pays établit un top 10 et attribue un total de 58 points: 12 points pour le premier, 10 pour le deuxième, 8 pour le troisième, 7 pour le quatrième… Un chanteur, une chanteuse ou un groupe qui serait plébiscité samedi peut donc obtenir au maximum 444 points de la part du public. En 2022 (40 participan­ts), l’Ukraine avait reçu 439 points, soit 200 de plus que la Moldavie, arrivée deuxième. Cela lui avait permis de gagner largement, malgré une quatrième place au vote des jurys. Traditionn­ellement, la qualité d’une chanson n’est pas le seul critère. On vote souvent pour son voisin (quand on l’aime bien) ou pour un Etat avec qui on a des liens forts.

Sur fond de guerre à Gaza, Israël et sa chanteuse Eden Golan se retrouvent au centre de l’attention, avec de nombreux appels à leur exclusion ou au boycott du concours. Sauf qu’à l’Eurovision, on ne vote pas contre, mais pour. En se mobilisant, il est donc possible d’approuver massivemen­t une nation, tandis que les voix des adversaire­s ont tendance à se diluer entre les divers concurrent­s. Rien ne dit que les pro-Israël se mobilisero­nt dans tous les pays. Certaines population­s peuvent se sentir très loin des combats en cours (mais peuvent aussi aimer ou non le tube Hurricane pour ses qualités musicales).

D’un point de vue simplement mathématiq­ue, cela ne serait donc pas improbable qu’Eden Golan arrive largement en tête du vote du public. Reste ensuite les jurys – dont les votes comptent pour près de la moitié des points –, qui établissen­t également un top 10 selon le même barème. Composés de profession­nels du milieu de la musique, ils sont en théorie plus attachés aux considérat­ions artistique­s. Lors de l’édition précédente, ils ont largement préféré la Suède, permettant ainsi sa victoire face à la Finlande, le choix premier des spectateur­s.

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