Pour Israël, cinquante ans de musique et quelques fausses notes
Messages de paix, incidents… Depuis 1973, les participations de l’Etat hébreu à l’Eurovision ont souvent reflété les tensions au Moyen-Orient.
Malgré l’apolitisme revendiqué par ses organisateurs, l’Eurovision n’a jamais pu échapper à l’actualité internationale. En témoigne cette édition 2024, organisée à Malmö en Suède, particulièrement tendue en raison de la guerre à Gaza et de la présence de la chanteuse israélienne Eden Golan. Depuis la première participation de l’Etat hébreu en 1973, ses performances se sont fait le miroir des divisions nationales et des tensions au Proche-Orient. Libération retrace cinquante d’appels à la paix, de boycotts et d’incidents en direct.
1974 Une chanson critique après la guerre du Kippour
Pour sa deuxième participation, Israël choisit le groupe Kaveret. Quelques mois après la guerre du Kippour qui a opposé l’Etat hébreu et une coalition militaire arabe menée par l’Egypte et la Syrie, la chanson Natati La Khayay («Je lui ai donné ma vie») fait résonner un appel à la paix entre Juifs et Arabes, à Brighton, au Royaume-Uni. Des années après, l’un des musiciens du groupe, Danny Sanderson, déclara que la chanson était une forte critique de la politique menée à l’époque par le gouvernement de Golda Meir et que les paroles appelaient à la création d’un Etat palestinien («Il y a assez d’air pour un pays ou deux»).
1978 La dissimulation de la première victoire israélienne
Avec leur chanson A-Ba-Ni-Bi, Izhar Cohen et The Alphabeta représentent l’Etat hébreu lors de la 23e édition. Mais, pendant la soirée, de nombreux diffuseurs d’Afrique du Nord et du Proche-Orient préfèrent passer des coupures pubs plutôt que la performance israélienne à leurs téléspectateurs. Plus tard dans la soirée, lors de l’annonce des résultats, la victoire de plus en plus certaine d’Israël poussa de nombreux pays à arrêter la diffusion en prétextant des problèmes techniques. Des images de jonquilles remplacèrent donc soudainement l’émission sur la télévision publique jordanienne et, le lendemain, les médias du pays annoncèrent la victoire de la Belgique, en réalité arrivée deuxième.
2005 Le désistement du Liban
Le Liban tente sa chance, pour la première fois, en 2005 avec la chanson Quand tout s’enfuit d’Aline Lahoud. Mais le pays décida finalement de se retirer, deux mois avant la compétition. En cause, la loi du pays qui impose un boycott de l’Etat hébreu. Si la télévision publique libanaise espérait pouvoir remplacer la prestation de leur voisin par de la publicité, l’Union européenne de radio-télévision (UER) n’a pas transigé sur l’obligation faite de diffuser l’intégralité de l’émission. En conséquence, le pays s’est retiré et n’a plus tenté d’y participer depuis.
2009 Un message contesté de fraternité
En raison de la tenue critiquée de la 54e édition à Moscou, du retrait de la Géorgie à cause de sa chanson anti-Poutine et de la rivalité entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, la participation israélienne, en 2009 passa sous les radars. Pourtant, la chanson There Must Be Another Way provoqua une controverse au sein de l’Etat hébreu. En partageant la scène avec Noa, Mira Awad, première artiste arabe israélienne à représenter le pays, s’attira de nombreuses critiques. Dans une lettre ouverte, des artistes et intellectuels lui demandèrent de se retirer pour «ne pas prendre part à la machine de propagande israélienne». Quelques semaines après l’opération «Plomb durci» menée par Tsahal, les deux chanteuses furent accusées de montrer une «fausse image de la réalité» de la région. «Nous essayons de montrer une situation que nous croyons être possible, si nous faisons juste les efforts nécessaires», s’était défendue Mira Awad.
2019 Madonna et une écharpe propalestinienne
Un an après la victoire de la chanteuse Netta, avec sa chanson Toy, Israël accueille de nouveau la compétition. Pendant la soirée, Madonna, invitée à chanter un medley de ses tubes, crée la controverse. A la fin d’une prestation aux airs guerriers, deux de ses danseurs s’enlacent et arborent dans leur dos un drapeau israélien et un drapeau palestinien, comme un appel à la fraternité. Un premier incident suivi par le coup d’éclat du groupe islandais Hatari. Au moment de l’annonce de leurs points, les chanteurs ont brandi une bannière aux couleurs de la Palestine. Contraire au règlement de l’Eurovision, leur geste, qui avait fortement agacé les organisateurs, a valu une amende de 5 000 euros à la télévision publique islandaise.