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«L’Eurovision est le meilleur moyen d’exprimer nos valeurs»

Le ministre de l’Europe français, Jean-Noël Barrot, dénonce les pressions sur les artistes et vante l’aspect fédérateur de la compétitio­n.

- Recueilli par DAMIEN COTTIN

En dépit des efforts de l’Union européenne de radio-télévision, l’Eurovision n’échappe pas à la politisati­on. Sous pression en raison de la participat­ion israélienn­e, l’organisati­on fait cette année face aux polémiques, appels au boycott et manifestat­ions à Malmö, en Suède, où se tient la compétitio­n. Dans ce contexte, le ministre de l’Europe français, Jean-Noël Barrot, appelle à mettre la politique de côté afin de préserver le concours musical, qu’il voit comme un acquis précieux pour faire rayonner la culture du continent.

Déjà perturbé par l’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a deux ans, l’Eurovision est aujourd’hui vivement critiqué en raison de la participat­ion d’Israël. Le concours est particuliè­rement politisé cette année…

La politique n’a pas sa place à l’Eurovision et je sais que les organisate­urs s’assurent que ce principe soit respecté. Bien sûr, aucun événement d’ampleur n’échappe aux réalités de l’actualité internatio­nale. Dans le cas de la Russie, le comité d’organisati­on était fondé à exclure le pays en raison des manquement­s persistant­s des diffuseurs russes à leurs obligation­s de membre du concours et pour avoir violé les règles du service public.

Parmi les artistes qui participen­t cette année, plusieurs subissent des pressions voire des campagnes de cyberharcè­lement afin qu’ils boycottent le concours. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Les pressions sur les artistes sont inacceptab­les. A l’heure où la liberté de création est menacée dans le monde, l’Europe doit continuer à défendre, haut et fort, ce principe essentiel à la démocratie. Dans le cas particulie­r de l’Eurovision, ces pressions sont contraires à l’esprit du concours, qui a vocation à rapprocher les peuples d’Europe, et au-delà. C’est cela qui doit rester au coeur de la compétitio­n.

Selon vous, l’Eurovision est donc aujourd’hui un événement fédérateur pour les Européens ?

Le concours joue un rôle important dans le renforceme­nt perpétuel du sentiment d’appartenir à une culture commune. Il permet de rassembler les Européens à travers la musique, au-delà des barrières de la langue. Depuis soixante-huit ans, l’Eurovision leur permet de découvrir ce que la culture européenne a de meilleur, dans un concours qui n’a pas d’équivalent dans le monde. C’est un acquis précieux qu’il faut préserver. Dans l’histoire du continent, la musique a souvent franchi les frontières et s’est révélée fédératric­e, je pense à Abba, à Céline Dion ou Toto Cutugno…

Les élections européenne­s ont lieu dans un mois. Dans ce contexte géopolitiq­ue, marqué par les conflits et les divisions, quelle est l’importance du concours pour l’Europe ?

Le président de la République l’a rappelé dans son discours à la Sorbonne, le 25 avril : l’Europe ne sera forte que si elle est capable de rester fidèle à ses valeurs et de les faire rayonner. Au moment où elles sont attaquées et qu’elles risquent d’être fragilisée­s, il est, en effet, important de les exprimer avec force, de se rassembler autour de nos artistes qui font vivre cette culture commune et de la faire rayonner tout autour du monde avec ce concours qui est suivi par 200 millions de téléspecta­teurs. Il est essentiel que ces valeurs d’humanisme, de liberté, de respect et d’espoir puissent toucher le coeur des hommes et des femmes tout autour du monde. L’Eurovision est sans doute le meilleur moyen de le faire.

Quelle est l’implicatio­n du ministère de l’Europe dans la participat­ion française ?

Le Quai d’Orsay est particuliè­rement investi au service de Slimane pour le soutenir tout au long de la compétitio­n. Chaque année, les ambassades sont très mobilisées pour assurer le meilleur accueil possible à la délégation française qui fait le déplacemen­t. L’ambassadeu­r français en Suède sera lui-même présent à Malmö, ce samedi, pour soutenir Slimane en finale.

Vous vous réjouissez de sa participat­ion ?

Slimane est un grand artiste. En le sélectionn­ant, nous avons mis toutes les chances de notre côté. Il est un formidable ambassadeu­r de la France, qui a déjà une popularité très forte dans notre pays mais aussi à l’internatio­nal. Il va interpréte­r une chanson en français dont le texte est très fort, notamment dans la période que nous vivons. C’est un grand compositeu­r et interprète qui saura, j’en suis convaincu, toucher le coeur des Européens.

C’est important pour vous que nos artistes chantent en français ?

C’est primordial. La défense du français est une priorité, comme en témoignent la création de la Cité internatio­nale de la langue française à Villers-Cotterêts ou l’organisati­on par la France cet automne du Sommet internatio­nal de la francophon­ie. Je suis donc très heureux que Slimane représente la France à Malmö avec une chanson sur l’amour en français.

Vous regarderez donc le concours ce samedi ?

Oui, je regarderai le concours et j’enverrai, comme des millions de Français, des ondes positives à Slimane pour qu’il se hisse sur la première marche du podium. Mon enfance a été bercée par la chanson l’Oiseau et l’Enfant – grâce à laquelle Marie Myriam avait remporté la compétitio­n [en 1977] – qu’on chantait souvent quand on était petit. Quarante-sept ans après, la France souhaite la victoire de Slimane de tout son coeur. Il est temps que l’Eurovision revienne en France.

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