New York réminiscences
Le duo de Brooklyn, Brandon Weems et Craig Handfield, reviennent magistralement aux racines de la house afro-américaine.
Si, en France, la house a vu son influence réduite à peau de chagrin ces dernières années, malgré quelques poches de résistance et l’activisme de jeunes labels, à New York, la dynamique est inverse. Portée par des labels (Toucan Sounds ou RazorN-Tape), des clubs (le Bain, le Nowadays), des acteurs historiques toujours actifs et l’arrivée d’une génération qui entend reprendre le flambeau de ses héros Maurice Fulton, Lil’Louis, Ron Trent ou Joe Claussell, la house se porte bien. Révélés en 2018 par leurs soirées Coloring Lessons puis leur label homonyme, les DJ et producteurs Brandon Weems et Craig Handfield, alias Musclecars, ont déboulé sur la scène de Brooklyn avec une idée en tête et une mission claire : retrouver le plaisir de la musique de club «pour la musique» (c’est-à-dire pas pour se retourner la tête) et partager l’histoire de la dance music afro-américaine «spirituelle» avec la jeune génération. Pendant quatre ans, Musclecars a patiemment tissé sa toile, publiant d’impressionnants maxis – les siens ou ceux des New-Yorkais Javonntte ou Malik Hendricks– sur son label, tout en préparant un premier album balayant large le spectre des musiques noires américaines et perpétuant la tradition d’une house colorée «jouée» à grand renfort d’instruments traditionnels. Du premier, l’intro The Afro-American Conundrum (Where Does That Leave Us ?), au dernier titre, Water, ce très réussi Sugar Honey Iced Tea (soit Shit), est une exploration de l’afro dystopie, jonglant entre morceaux à rallonge et interludes dans tous les styles: house, bossa brésilienne, funk, r’n’b, hip-hop, soul et afro jazz. Même quand Musclecars s’attaque frontalement à la musique de club avec un Running out of Time, qui rappelle les meilleurs Ron Trent, le titre navigue entre percus afro-latines, jazz-funk, influences acid house et techno de Detroit. Un grand mix qui a des airs de capsule temporelle nous catapultant dans le New York des années 1990. Sa richesse, sa musicalité et sa chaleur font de Sugar Honey Iced Tea le meilleur album de house américaine publié depuis… on ne sait plus.