Libération

Hécatombe Katie La meurtrière du «nouveau » McDowell

- PAR FRÉDÉRIQUE ROUSSEL

En juin 2009, le 36e épisode de sa série «les auteurs oubliés» publiée dans le journal britanniqu­e The Independan­t était consacré à Michael McDowell (1950-1999) ; en France, l’écrivain perçait pour de bon en 2022. La roue tourne, d’autant plus vite qu’on la pousse un peu. L’éditeur Monsieur Toussaint Louverture, qui s’est entiché de l’Américain, nous sort de la poussière, à rythme soutenu et à coups de promo massive, des McDowell sous format poche gaufré et miroitant. Le McDowell du printemps, après les six tomes de la saga du bayou Blackwater en 2022 (plus d’1 million d’exemplaire­s vendus) et les Aiguilles d’or (automne 2023), a grimpé dans les meilleures ventes. Avec Katie, paru en 1980, on monte en gamme horrifique. Ceux qui suivront, annoncés par l’éditeur, seront aussi terrifiant­s: Lune froide sur Babylon en 2024, l’Amulette et les Elémentair­es en 2025. En attendant, place à Katie.

1 Qui est Katie ?

On la rencontre dès le prologue glauque et surnaturel. On est à la veille de Noël, une époque friande d’apparition­s, fréquente dans l’imaginaire McDowell (il a scénarisé l’Etrange Noël de Monsieur Jack de Tim Burton après Beetlejuic­e). En cette fin d’année 1863, on est «au plus fort du conflit entre les Etats du Nord et ceux du Sud», mais la guerre de Sécession n’est qu’un vague élément de décor. Tandis que Mademoisel­le Désir est sur scène, Hannah Jepson veille sur sa fille Katie, 9 ans. Elle s’occupe à bourrer des chiots d’alcool bon marché pour stopper leur croissance et les vendre aux «dames de la haute», tandis que Katie joue avec une poupée à l’effigie de sa mère. On entrevoit alors son extrême cruauté et son pouvoir de divination. Bien des péripéties plus tard, elle dispensera des consultati­ons de voyance («Il n’y a rien que je ne puisse voir!») après lesquelles elle expédiera ad patres, à coups de marteau, des femmes au portemonna­ie garni.

2 Pourquoi parler d’argent ?

Katie ne parle que de ça, comment trouver de l’argent, comment ne pas se faire voler, comment pousser le vieux Richard Parrocks à tout laisser dans son testament ? On est prêt à tuer pour empocher sa fortune. Katie Slape sert de la viande avariée au vieux propriétai­re impotent pour le pousser plus vite dans la tombe. Philomela Drax, sa petite-fille qui vit sans le sou avec sa mère couturière, tente de s’y opposer. Un sac de billets de près de trente mille dollars circule tout au long du livre. Les riches ont aussi des désirs d’accumulati­on : John Varley, grand bourgeois de New Egypt, n’hésite pas expulser un locataire quand il a un jour de retard de loyer. Et quand Philo voudra lui revendre la maison de sa mère, il cherchera à l’escroquer.

3 Est-ce palpitant?

«Je suis un écrivain commercial et j’en suis fier», disait Michael McDowell. Katie enfile les courts chapitres, les assassinat­s horribles et une course-poursuite à travers l’est des Etats-Unis. Katie, hommage aux penny dreadful, ces histoires macabres feuilleton­nées du XIXe siècle et tirées parfois de faits divers réels, a été inspiré de la saga des Bloody Benders, une famille de tueurs célèbres au Kansas en 1871. C’est une telle suite d’événements malheureux, que la fin surprend. •

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 ?? ?? Michael McDowell KaTIE Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Szlamowicz. Monsieur Toussaint Louverture, 460 pp., 12,90 €.
Michael McDowell KaTIE Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Szlamowicz. Monsieur Toussaint Louverture, 460 pp., 12,90 €.

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