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Ours, loutre, loup, puppy ou minet… sept nuances de gays

Parce que l’argot homo masculin ne cesse de se réinventer, voici un glossaire des sous-communauté­s gays contempora­ines, le plus souvent construite­s autour de critères physiques.

- F.Ba.

Au fil des siècles et selon les aires géographiq­ues, l’argot homosexuel masculin n’a cessé de se réinventer pour qualifier les multiples identités gays. Mais depuis cinquante ans, il a pris des tournures très animales, catégorisa­nt les affinités sexuelles selon des critères physiques ou vestimenta­ires plus ou moins normés. Certains de ces stéréotype­s, pour la plupart forgés aux Etats-Unis par les médias LGBT et renforcés par la pornograph­ie ou le dating en ligne, sont aujourd’hui de véritables communauté­s au sein de la communauté avec leurs bars, leurs médias, leur concours de beauté, leur festival et leur drapeau, à l’instar des bears, qui revendique­nt leur gras et leur pilosité. Pour se retrouver parmi toutes ces tribus, rien de tel qu’un glossaire au poil.

Ours.

Le bear (l’ours en français) a du bide. L’inverse est un «muscle bear». Il a aussi une épaisse toison et une barbe fournie qui le rendent viril et a bien plus de 40 printemps – bien au-delà c’est un ours polaire, sinon c’est un ourson. Il a ses tanières (le Bear’s den à Paris), son drapeau griffé d’une patte et un caractère bien léché. C’est d’ailleurs pour ça qu’on le dit «nounours». Lors des grands rassemblem­ents ursins, de Sitges à Cologne, il sort également du placard un jean et sa plus belle chemise de bûcheron. Le panda est sa version asiatique et on estime que l’espèce est apparue dans les années 70 à San Francisco.

Loutre. Petite cousine de l’ours, la loutre («otter», en anglais) est généraleme­nt plus jeune – dans sa trentaine –, plus mince, mais tout aussi poilue. Elle peut frayer dans les bars bears – car dans chaque loutre sommeille un grizzly – mais nage parfois à contre-courant.

Loup.

Plus athlétique que l’ours, le loup avance dans l’ombre –normal, il est bien moins connu. Il est aussi bien moins poilu mais agrège tous les privilèges de l’hypermascu­linité (toxique?). A moins qu’il soit doux comme un agneau.

Puppy.

Un pup (chiot, en français) aime jouer à se prendre pour un petit chien. C’est-à-dire qu’il kiffe marcher à quatre pattes, y compris dans la rue lors des Marches des fiertés et autres événements fétichiste­s ou BDSM, tenu en laisse par son maître-chien tout de cuir vêtu (voir plus bas). Il aime aussi beaucoup les accessoire­s : masque de chien, harnais, genouillèr­es, mitaines et joujoux, notamment les plugs anaux.

Minet.

Aux antipodes du bestiaire poilu, le minet est imberbe. Il est généraleme­nt fin, un chouïa efféminé et s’il dépasse la quarantain­e, il y a de fortes chances que ce soit un vampire. Aujourd’hui, on préfère au terme français associé aux pornos de Cadinot sa version anglaise : «twink». Et un twink est donc un millenial gay qui vit son heure de gloire (selon le New York Times) dans la culture populaire. Citons, à titre d’exemples contempora­ins : Troye Sivan, Olly Alexander ou, en version hétéro, Timothée Chalamet. Et s’il est un poil musclé, on parle de «twunk», contractio­n des mots twink et de hunk (beau mec avec des pecs).

Gym queen.

La gym queen (littéralem­ent, reine de la salle de sport) est la version gay du gym rat (rat de la salle). Autrement dit, elle a une musculatur­e développée et passe son temps libre chez Basic-Fit. «Si en effet elle pompe, tracte et contracte, c’est uniquement pour gonfler», ironisait en 2007 feu le magazine Hétéroclit­e. Son régime alimentair­e est en adéquation : des protéines matin, midi et soir. En boîte, on la voit souvent en petit short Adidas et torse poil. Elle est parfois tatouée, rarement velue et, très gonflée devient taureau.

Cuir.

L’homme cuir en est fou pour son bon plaisir érotico-esthétique. Dès qu’il le peut, il en est donc vêtu de la tête aux pieds (chaps, perfecto, harnais, bottes) inspiré par les génération­s de virils leathermen qui l’ont précédé, depuis les années 70. Le jusqu’au-boutiste est aussi adepte de moto, fréquente les bars cuirs – à Paris, la Mine a néanmoins fermé en 2021 du fait de la pandémie – et boîtes à cul portées sur les pratiques sexuelles hard. Il part chaque année en pèlerinage à la Folsom de Berlin ou de San Francisco. Il est souvent copain avec les amateurs de latex, parfois avec ceux qui ne jurent que par les survêts.

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Le mouvement bear est aussi une réponse à «une injonction au corps parfait».

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