Libération

CHRIS ET PASCALE

- Mais au moins, les réactionna­ires, s’ils s’expriment encore, ne mettront plus grand monde dans la rue.»

de mariage, durant laquelle j’ai fait danser ma mère. Un souvenir inoubliabl­e.»

D.: «Lorsque nous nous sommes mariés, je prenais des anxiolytiq­ues à cause de problèmes de santé. Cela m’a permis de gérer ce jour-là mes émotions. A la mairie, nous sommes entrés avec tous ceux que l’on aimait (familles et amis, une centaine de personnes dans une belle diversité). La femme de mon père et ses parents, qui sont de nationalit­é chinoise, étaient présents. Ils viennent d’un pays où le mariage homosexuel est impensable. Le père de Philippe, un ancien syndicalis­te et homme politique, a fait un très beau discours, sur les droits des gays et sur le fait que nous ferions de très bons parents. A ce moment-là, nous étions en train de préparer un projet de GPA [gestation pour autrui, ndlr] aux EtatsUnis ; ce discours nous a vraiment touchés. Après la cérémonie, qui a eu lieu à 9 h 30, le seul horaire qui était libre, nous avons tous pris un petit-déjeuner dans un café parisien. Par la suite, un déjeuner froid a été servi aux familles et le soir un dîner à l’ensemble des invités. «Lors de cette soirée, mon frère aîné a lu un poème qu’il avait composé, mon frère cadet a fait un super photomonta­ge et, ma soeur, mes quatre frères et mon cousin germain ont fait une chorégraph­ie sur la chanson YMCA des Village People. A mourir de rire. Notre meilleur ami s’est travesti en blonde pulpeuse, façon Dolly Parton. Une sorte d’hommage à la culture homosexuel­le. Cela a permis à tout le monde d’être très détendu.

«Parmi nos amis, nous avons été les premiers à nous marier. Ils ont vu que tout s’était bien passé et ils ont pu se projeter dans les mariages qu’ils étaient en train de préparer.»

59 ans toutes les deux, anthropolo­gues urbaines, unies le 19 octobre 2013

à Paris

«On a le souvenir d’une cérémonie à la fois extrêmemen­t festive et intense. On est des activistes, donc elle mêlait forcément un peu de nos engagement­s politiques, militants et amicaux. C’était aussi un vrai mariage d’amour : beaucoup de proches sont venus témoigner leur soutien. Quand nous sommes entrées dans la salle des mariages de la mairie, Pascale a levé le poing en signe de victoire tout en entonnant un grand “yahouu”. Enfin, on y était, après avoir beaucoup manifesté jusqu’au bout et sans trop croire que ce jour arriverait.

«On était aussi chacune au bras d’un des fils de Pascale et sa fille était là aussi, rayonnante et enceinte. C’était assez fort d’arriver ensemble avec nos gamins mais aussi nos cousins. A la sortie, toutes les copines de la Barbe se sont mises à faire une haie d’honneur : on a alors descendu les escaliers de la mairie entourées de barbues avant de jeter du riz de toutes les couleurs que l’on avait fabriqué nous-mêmes. Comme on a été mariées par une élue du XXe que l’on connaît bien, on se sentait vraiment en famille. Pour beaucoup d’amies lesbiennes, on a par ailleurs été les premières à se marier, c’est pour cela qu’il y avait sûrement cette intensité dans la salle. Parfois, on se dit qu’on a envie de revivre ce moment-là à nouveau.»

Recueilli par FLORIAN BARDOU et CATHERINE MALLAVAL

Bataille.

En 2013, les gays, les lesbiennes, les bi, mais aussi les trans ont bien gagné une forme de reconnaiss­ance sociale. Mais, notamment en raison de l’abandon de la procréatio­n médicaleme­nt assistée (PMA) par le gouverneme­nt socialiste de l’époque, les promesses d’égalité se sont vite heurtées à de nouveaux obstacles. Premier hic : la découverte, en juin 2013, d’une circulaire de la garde des Sceaux Christiane Taubira, adressée aux maires, excluant du droit au mariage certains couples homos binationau­x en raison de convention­s bilatérale­s signées entre la France et onze pays (dont la Tunisie, le Cambodge, la Pologne ou la Serbie). Privé de mariage, un couple franco-marocain a néanmoins obtenu gain de cause en cassation en janvier 2015 après deux ans de bataille judiciaire. «Le problème est réglé, assure le militant gay Thomas Linard, ex-porte-parole de l’InterLGBT chargé de la famille, mais assez peu de gens sont au courant qu’un nouveau document du garde des Sceaux invite depuis 2016 les parquets à ne plus s’opposer à ces mariages.»

Autre désillusio­n, selon ce militant du Parti de gauche, «en l’absence de réforme de la PMA et de la filiation», les parents homos sont obligés de passer par le mariage et la justice pour sécuriser leurs familles. «Et très vite on s’est rendu

Newspapers in French

Newspapers from France