Et si Manuel Valls jouait milieu droit à Barcelone ?
Manuel Valls, futur maire de Barcelone ? Une hypothèse improbable mais pas impossible. Jeudi, aux Desayunos de TVE, le grand programme d’actualité télévisée de la chaîne publique, l’ancien Premier ministre français au bouc décontracté a confirmé une rumeur qui courait depuis plusieurs jours : oui, il envisage de se présenter aux municipales de mai 2019 dans sa ville natale. Un scrutin qui se tiendra pile un mois avant les européennes. «Je vais y réfléchir», a-t-il dit. Une façon, selon lui, de rester fidèle «à ses origines». Avec ce que les médias espagnols voient comme une quasi-annonce, Manuel Valls, né à Barcelone, ayant grandi à Paris et naturalisé français à sa majorité, concrétise son implication croissante, ces derniers mois, dans les affaires espagnoles. Et tout particulièrement dans le débat très sensible et devenu principalement judiciaire du défi sécessionniste catalan. Valls a choisi son camp: «Il n’y a pas de possibilité que la Catalogne sorte de l’Espagne.» Et ce, pour une raison avant tout historique : «Le nationalisme apporte la guerre», a souligné l’actuel député apparenté LREM.
Le 16 décembre 2017, il s’était rendu à Barcelone pour un meeting de soutien à Inés Arrimadas, candidate du parti de centre droit Ciudadanos («Citoyens») aux élections catalanes convoquées par Madrid après le référendum d’autodétermination. On a aussi pu le voir le 18 mars au côté des dirigeants de la Societat Civil, une organisation catalane qui se mobilise pour éviter une «partition» du pays.
S’il concourt aux municipales, ce sera sous la bannière de Ciudadanos, formation née en 2005 à Barcelone pour contrecarrer «le nationalisme obligatoire». Son leader, Albert Rivera, préside désormais un parti de dimension nationale dont l’essor le rend favori dans les sondages des prochaines élections générales, devant le Parti populaire de Mariano Rajoy au pouvoir. Avec son idéologie libérale centriste, Ciudadanos a tout pour plaire à un Valls en plein recentrage. Rien d’étonnant à ce que ses dirigeants lui aient publiquement demandé de se présenter sous leur étendard orange, après l’avoir sondé en privé. Pour Barcelone, place forte dirigée par la pro-Podemos Ada Colau (gauche alter) qui ne cesse de faire les yeux doux aux séparatistes, il lui manquait un bon candidat. Côté français, les derniers fidèles de Valls sont très peu à avoir été mis dans la confidence. Un de ses proches ne le voit pas forcément aller au bout: «Déjà, sur un plan pratique, je ne suis pas sûr qu’il ait la double nationalité, et puis il a un mandat parlementaire et ne m’a jamais dit qu’il souhaitait s’en défaire.» Un autre de ses soutiens salue le «challenge» possible : «Qu’un ancien Premier ministre d’un pays se porte candidat dans une grande ville européenne d’un autre pays, c’est l’Europe dans cinquante ans !» Certes, Valls a toujours revendiqué ses origines catalanes, son attachement au FC Barcelone, dont l’hymne a été composé par son grandpère. Il n’en demeure pas moins que ce parachutage transnational est aussi très risqué.
L.A. et F.M. (à Barcelone)