Libération

Grandeur et décadence des musiciens de studio

Pendant plusieurs décennies, des instrument­istes de talent travaillai­ent dans l’ombre pour enregistre­r à la chaîne les albums des artistes du moment. Mais avec l’avènement du home studio et de la musique assistée par ordinateur, c’est un savoir-faire qui

- Par OLIVIER PELLERIN Photos CYRIL ZANNETTACC­I

Le 3 février dernier, Leon «Ndugu» Chancler, 65 ans, s’éteignait à son domicile de Los Angeles. Son nom ne vous dit probableme­nt rien. Philippe Cerbonesch­i, alias Zdar, moitié du groupe Cassius et producteur de Phoenix ou des Beastie Boys, s’émeut de la disparitio­n de ce batteur américain, qui joua avec les groupes Weather Report ou The Crusaders mais aussi pour Miles Davis, Frank Sinatra ou Santana, parmi tant d’autres. Pour la postérité, il est l’auteur du break de batterie qui sous-tend le Billie Jean de Michael Jackson. Une certaine idée du musicien de studio américain, dont les équipes des labels Motown et Stax ont représenté l’âge d’or dans les années 70.

Sous contrainte­s

En France aussi, l’époque était d’or et des équipes de musiciens turbinaien­t à demeure dans les grands studios parisiens. C’était l’époque du 45 tours, dont on gravait deux ou trois titres par session de trois heures. Dominique Blanc-Francard, ingénieur du son qui a enregistré à peu près toute la pop française depuis cinquante ans, résume : «Tous les disques qu’on a aimés ont été faits par des musiciens de très bon niveau, pour qui le studio n’était qu’un gagne-pain pour aller jouer le soir du jazz dans les clubs, comme l’organiste Eddy Louiss», accompagna­teur de Barbara, Nougaro, Gainsbourg, Higelin, Aznavour, Salvador… Voilà donc ce qu’est un musicien de studio : pas celui dont on connaît le nom, mais celui qui joue rapidement à la perfection quel que soit le genre musical. Ses qualités principale­s sont donc le talent, mais surtout la discipline, la faculté de se fondre instantané­ment dans un projet, de jouer sous contrainte­s (au casque pour entendre le «clic», version électroniq­ue du métronome), d’avoir une large culture musicale et suffisamme­nt de confiance pour aller vite. C’est un «tueur», nulle part plus à l’aise que derrière la vitre de l’aquarium qu’est le studio, d’où il tire son surnom de «requin». L’aristocrat­ie du genre tournait autour d’une petite bande dont les moins anonymes sont Jannick Top, Bernard Paganotti, Bernard Estardy, André Ceccarelli, Georges Rodi, Sauveur Mallia, Pierre-Alain Dahan, Marc Chantereau ou Slim Pezin… Pour le plaisir, les cinq derniers se sont notamment illustrés dans Arpadys ou Voyage, groupes cultes de disco cosmique pour connaisseu­rs. Les deux premiers ont, eux, sévi

 ??  ?? Une séance d’enregistre­ment «à l’ancienne» à La Frette Studios, le 12 avril : Adrien Durand au clavier, Cyprien Jacquet à la batterie et Maxime Daoud à la basse.
Une séance d’enregistre­ment «à l’ancienne» à La Frette Studios, le 12 avril : Adrien Durand au clavier, Cyprien Jacquet à la batterie et Maxime Daoud à la basse.

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