Libération

Patrick Da Silva, l’ode à Odette

- Par MARIANNE CLEVY Directrice du festival Terres de paroles

Elbeuf, le 4 avril, au soir. Patrick Da Silva va s’en retourner chez lui, en Auvergne, région qu’il n’a jamais quittée et qu’il évoquait dans Libération le 7 avril. L’auteur vient de partir, une présence demeure dans la bibliothèq­ue elbeuvienn­e qui l’accueillai­t pour une soirée de lectures de ses ouvrages, romans et théâtre.

Patrick parti, Odette, elle, est toujours là. A pas mesurés elle est venue avec lui et bien après leur départ, Odette habite encore les lieux. Odette, c’est la femme dont Patrick Da Silva vient de lire un portrait. Sa mère. Paru en 2018 aux éditions Le Tripode, les Pas d’Odette est un diamant. Niché au coeur d’une oeuvre étonnante, libre tout autant qu’attachée solidement aux grands récits, aussi savante que charnue et sensuelle, le portrait d’Odette semble se tenir discret, nécessaire et vital. Est-ce un poème? Est-ce une ode? Une déclaratio­n d’amour sans doute pour cette vieille femme, et autour d’elle, par un jeu de transparen­ce, le tableau de notre tragédie contempora­ine, toute une géographie intime des mutations du monde, de notre siècle.

Patrick Da Silva explore en écriture «des choses à la fois immenses et réductible­s à rien, d’une évidence sensuelle incontesta­ble». Ainsi en est-il de ce petit opus, qui rappelle aussi le travail des écrivaines Marie-Hélène Lafon, ou Cécile Coulon, dont les oeuvres s’attachent à révéler la beauté du commun, dessiller les yeux pour mieux voir dans la banalité d’un geste, d’un décor, la source même de notre humanité, la force tragique.

La voix de Patrick Da Silva lisant les Pas d’Odette s’éloigne à mesure des jours, mais pas le portrait de la dame, aux contours ravivés par la lecture du livre posé à portée de main sur la table de nuit. Odette, si elle compte, c’est que nous la connaisson­s, la reconnaiss­ons, unique et universell­e. Revient alors en mémoire cette belle phrase du poète Miguel Torga, «l’universel, c’est le local moins les murs». • PATRICK DA SILVA LES PAS D’ODETTE Le Tripode, 60 pp., 9 €. Le festival Terres de paroles a lieu en Seine-Maritime jusqu’au 29 avril.

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V. MIGEAT. VU La mère du photograph­e Vincent Migeat, à Tiuccia (Corse).

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