Stefan BRIJS 45 ans, Belgique

LES LECTEURS DU D’ANGES (Editions Héloïse d’Ormesson, 2010), qui permettait de découvrir tout le talent d’un écrivain de premier plan, vont être surpris. Avec le magnifique Courrier des tranchées, qui lui a demandé cinq ans de travail, Stefan Brijs change de registre. Il n’est pas ici question de clonage et de notre époque. Nous voici transportés à Londres en 1914. Au moment où l’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne.

John Patterson a bientôt 19 ans. Le narrateur dickensien de Brijs est un élève doué qui compte entamer des études de littérature anglaise. Il n’a pas connu sa mère, fille unique d’un riche lord, morte deux jours après lui avoir donné naissance. Le jeune homme vit avec son père, facteur dans le quartier d’Hoxton. Un père collectionneur de livres qu’il ne lit pas, mais conserve dans sa bibliothèque. Alors que son fils dévore, lui, Les Souffrances du jeune Werther de Goethe, qui le met mal à l’aise, ou La Guerre des mondes de H. G. Wells – auteur qui publie justement dans le Daily Chronicle une tribune où il défend la guerre car, dit-il, elle assure une paix durable.

Le meilleur camarade de John, Martin Bromley, brûle quant à lui de s’engager sous les drapeaux et de donner une leçon aux Allemands. Martin a tôt quitté l’école, aime jouer au rugby, écumer les rues et les parcs. Quand il endosse l’uniforme, John tarde à le suivre. Il finira pourtant par devenir l’ordonnance du lieutenant Ashwell, se rapprochant chaque jour un peu plus du front et de la guerre.

Plus loin dans le roman, on accompagne même John à Poperinge, en Belgique. Une ville rurale, située à une quarantaine de kilomètres de Lille. Un lieu méconnu, à l’ouest d’Ypres, où les soldats de l’armée britannique pouvaient trouver refuge dans un foyer militaire doté d’une chapelle. Une sorte de paradis avant l’enfer. Ecrire, lire, boire un thé ou prier…

On est frappé par la finesse du toucher de Stefan Brijs, sa manière élégante de nous glisser au plus près d’un héros sujet au doute et aux prises avec le mensonge. Un John Patterson que l’on n’oubliera pas. Comme on n’oubliera pas ce lancinant Courrier des tranchées.