La Chambre claire : Note sur la photographie par Roland Barthes. Texte intégral lu par Daniel Mesguich, suivi d’un entretien avec Benoît Peeters, Audiolib, 1 cd MP3
Comment ce livre que j’avais lu dès sa parution en 1980, puis repris avec une attention plus soutenue lors de la préparation, quelques années plus tard, de l’exposition « Roland Barthes, le texte et l’image », comment ce livre, lorsque j’en glissai le CD dans mon lecteur, réussit-il à me paraître aussi nouveau qu’à sa sortie. Sans doute cela est-il dû au fait que Daniel Mesguich donne toute son ampleur et toute sa chance à la part de subjectivité en laquelle nous nous reconnaissons et que Barthes voulait indissociable de la dimension théorique de son essai.
Dès l’écoute de la première page, je fus d’abord troublé par la parenté de cette voix avec celle de Barthes, si belle, si enveloppante. Même chaleur, même timbre feutré, même tempo. Un ton plus bas cependant et sans ce voile qui enrhumait légèrement la douceur du propos.
J’avais trouvé admirables les précédentes lectures que Daniel Mesguich nous avait données des Confessions de saint Augustin, des Mémoires d’outre-tombe pour lesquelles la rédaction de Lire lui décerna le prix du meilleur livre audio en 2012, d’A la recherche du temps perdu, de La Confusion des sentiments de Stefan Zweig. Lue par lui, l’oeuvre littéraire voyait sa force d’ébranlement accrue, sa présence augmentée.
Difficile de résumer La Chambre claire. La finesse des analyses, la multiplicité des angles sous lesquels la photographie est abordée en font un livre unique. Impossible désormais d’écrire sur la photographie sans convoquer la distinction qu’opère Roland Barthes entre le studium et le punctum. Le premier relève des différents savoirs relatifs à ma culture et à mon intérêt. Le second « vient casser » le premier. « Cette fois, ce n’est pas moi qui vais le chercher […], c’est lui qui part de la scène, comme une flèche, et vient me percer. » Dans telle photo, ce sera les « souliers à brides », dans telle autre les « mauvaises dents du petit garçon » ou l’« immense col Danton du gosse ».
Impatient, je suis allé écouter sans attendre certains passages du livre avec cette question : comment Daniel Mesguich les a-t-il lus? D’abord le passage sur la photo de Charles Clifford, Alhambra, qui fait dire à Roland Barthes : « J’ai envie de vivre là-bas, en finesse – et cette finesse, la photo de tourisme ne la satisfait jamais ». Celui sur la photographie de sa mère, non reproduite (parce qu’elle n’existe que pour lui) et qui « accomplissait, utopiquement, la science impossible de l’être unique ». J’ai cherché les pages où la photographie s’avère être un douloureux « certificat de présence ». Celles sur la pitié que l’on éprouve devant « ce qui est mort, ce qui va mourir » et qui poussa Nietzsche, devenu fou, à « se [jeter] en pleurant au cou d’un cheval martyrisé ». Je n’avais finalement rien oublié de ce livre si intelligent où rôde le chagrin, de cette oeuvre interprétée ici avec tant de justesse et qui, comme une sonate de Schubert, vous fait parfois monter les larmes aux yeux.