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Jim Harrison retour en terre

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Marqué par le temps et par la vie, son visage buriné s’affichait en une du magazine en octobre dernier, pour la parution de Péchés Six mois plus tard, Jim Harrison nous a quittés, laissant derrière lui des pépites littéraire­s comme Légendes d’automne, Un bon jour pour mourir, Dalva, Entre chien et loup, Julip, ou De Marquette à Veracruz. Une oeuvre foisonnant­e mêlant romans, poèmes, nouvelles et autobiogra­phie, principale­ment sur sa région natale du Michigan, mais aussi sur le Montana, le Nouveau-Mexique, et l’Arizona, où il vécut. Toujours prompt à décrire la beauté d’une forêt, le chant d’une rivière, le temps suspendu d’une pêche à la truite au petit jour, il a bâti un style où, dans ses plus beaux romans, son verbe fait jouer saveurs, sens et savoir, transforma­nt l’environnem­ent en une véritable kermesse du vivant. Harrison fut un des premiers, dans le récit réaliste et naturalist­e contempora­in, à avoir donné aux animaux une autonomie romanesque : dans Dalva, la jument que monte le personnage titre ne cesse de jouer avec les chiens, dans d’autres textes ce sont des corbeaux qui se réunissent en conciliabu­le. Bourré d’humour et de noirceur, chacun de ses livres mêle un lyrisme humaniste à un quotidien plein de rugosité. Comme les décors. Et comme l’histoire de son pays, nimbée de violence, à commencer par celle de l’Amérique blanche contre les Indiens, élément central de la littératur­e harrisonie­nne. Toute son oeuvre est une exploratio­n de l’âme humaine à travers quelques personnage­s inoubliabl­es, comme Chien Brun, héros fétiche (et quasi « double ») de l’auteur, qui apparaît dans les novelas de Julip, En route vers l’ouest, L’été où il faillit mourir, ou encore Les Jeux de la nuit : un Indien métis, un ogre de 90 kilos, un SDF qui ne possède rien, ni père, ni mère, ni passeport, qui festoie, traficote, braconne, fanfaronne, mais redevient un enfant dès qu’il entend gazouiller un oiseau ou frémir les eaux d’un torrent. Dans son ultime entretien à Lire, il avait souhaité cette phrase en épitaphe : « Nous aimions la terre, mais nous n’avons pas pu rester. » Bon retour en terre, Big Jim. capitaux. • Hubert Artus

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