Lire

L’observatoi­re gastronomi­que

- Tarte aux amandes « chez Panisse ». L’Art de saucer de l’Epure, 10 par 124 p., Les Editions

Jetez au loin la bienséance, oubliez votre savoir-vivre et plongez dans ce Kamasutra du sauceur. La pulsion primitive, la vraie manière de goûter le monde, c’est bien d’y tremper son pain. Imbibez, épongez le jus dans l’assiette et léchez-vous les babines en lisant cet Art de saucer joyeux et insolent. On y trouve parfois quelques recettes trompeuses qui permettent de saucer sans en avoir l’air, mais l’essentiel est au fond du plat quand on se pourlèche de pieds et paquets comme à Marseille ou de frita de poivrons rouges et verts. Les plus classiques se régaleront d’un chocolat chaud avec une bonne tranche de brioche pour ne rien laisser dans le bol, mais il ne faudra pas négliger pour autant le camembert chaud qui mérite toute notre attention gourmande. Un livre d’utilité publique signé Mayalen Zubillaga.

Les illustrate­urs sont parfois de sacrés farceurs. Benjamin Chaud aime autant les peintres que les plats. En réunissant les deux, il offre un album, L’Art à table, à déguster sans modération. On sourit largement devant son dessin de « Francis Bacon and eggs ». On se dit que l’humour potache a du bon avec « Andy Warhol réalisant que, finalement, la soupe à la tomate c’est un peu lassant ». Et on éclate de rire devant César bourrant son doggy bag et Gustave Courbet chez Léon de Bruxelles. Un ouvrage pour grands et petits appétits.

Et puisque nous sommes dans l’art spontané et le bon esprit, il est temps de passer par La Cuisine du Central, livre de toute beauté signé Bénédict Baugé et Marie-Pierre Morel. Il ne s’agit pas d’un succédané du trois-étoiles de Roanne, mais d’un « caférestau­rant-épicerie » imaginé par le couple Michel et MariePierr­e Troisgros. Un endroit qui sent bon l’habitué, le rond de serviette et le produit de qualité. A deux pas de la « Grande Maison » Troisgros, le gourmand vient ici pour les inspiratio­ns lointaines et leurs subtiles interpréta­tions. On y déguste un émincé de boeuf mi-cuit à la Siam, mais aussi le fenouil et jambon de pays aux noisettes. Les influences italiennes ne sont jamais loin quand vient le moment de la tarte à l’oignon et aux cèpes secs ou la « salade qui donne de la force » aux racines napolitain­es. Un tartare de la gare pour la tradition, un agneau mauresque pour le Grand Sud, une tarte aux amandes « chez Panisse » pour saluer Berkeley… le voyage est un sans-faute et les recettes sont délicateme­nt inspirées. Christine Ferniot

Mayalen Zubillaga, Benjamin Chaud, Michel et Marie-Pierre Troisgros,

Newspapers in French

Newspapers from France