Trompeuses apparences
L’héroïne devine comme une menace qui plane sur l’île de Trevedic où tout a changé…
Est-ce l’usage du passé simple qui lui donne un petit air bien élevé ou le choix de la concision et de la description pointilleuse qui déplace le regard ? A coup sûr, Pascale Dietrich sait dès les premières pages de son roman instiller le doute. Pas surprenant que la jeune romancière et nouvelliste (Monsieur Toussaint Louverture et In8) soit aujourd’hui publiée chez Liana Levi, l’éditrice de Malcolm Mackay. On retrouve chez cette Française née à Tours le côté incisif et décalé de l’Ecossais, auteur, entre autres, de Il faut tuer Lewis Winter.
Son héroïne, prénommée Edelweiss, retourne dans l’île de Trevedic en
• Bretagne, pour enterrer son père, tombé du pic du Rat un jour de grand vent. Rapidement, la jeune femme remarque des changements dans cet environnement clos où elle passa son enfance. Maisons repeintes, bistrot du village refait à neuf, voitures de luxe, voisins méfiants… rien à voir avec le microcosme îlien où les pêcheurs ont tout juste de quoi vivre. Jusqu’à présent, le bateau navette entre Trevedic et Brest était le seul élément perturbateur dans cet univers désespérément familier. Mais aujourd’hui, Edelweiss ressent une menace dès qu’elle met pied à terre. Et, bien qu’elle connaisse tout le monde, la jeune femme ne reconnaît personne.
Il y a un petit quelque chose du Belge Georges Simenon et de l’Américaine Elizabeth George dans cette Ile bien tranquille : une façon de scruter chaque détail, de décrire les gestes des personnages en notant leur tendance au mensonge, leur façon de faire un pas de côté qui va les trahir. Comme le commissaire Maigret ou l’inspecteur Thomas Lynley, Edelweiss se dirige presque paisiblement vers une conclusion de plus en plus noire, dévoilant les médiocrités humaines.
Mais Pascale Dietrich a aussi de l’humour, un goût certain pour le loufoque et une envie de jongler avec les codes du roman policier. Dans cette île qui montre la société en miniature, elle ne cesse de déplacer la réalité, de jouer avec les fauxsemblants et de nous faire croire que son héroïne est une gentille fille peu méfiante. Le crime, la violence, les armes, la mort, pourtant au coeur du roman, ne sont qu’un élément de plus du décor. En évitant la psychologie, la romancière étudie les comportements, donne au lecteur un peu d’avance sur les personnages pour s’en faire un complice. Une île bien tranquille devient alors un roman ironique, inventif et délicieusement inattendu.
Christine Ferniot
Pascale Dietrich,