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La superbe

Le portrait cruel et sensible d’une fille à la fois trop laide et trop intelligen­te.

- Sarah STRICKER Cinq Kopecks (Fünf Kopeken) par traduit de l’allemand par Pierre Deshusses, 544 p., Piranha, 25 Murmures dans un mégaphone (Whispers Through a Megaphone) traduit de l’anglais par Mathilde Bach, 448 p., Rivages, 21

Certaines jeunes filles nÕont rien ˆ voir avec leurs amies qui Ç passent des heures devant leur miroir pour y apprendre par cÏur leurs dŽfauts comme une liste de vocabulair­e quÕelles ressortent ensuite au moindre compliment, telle une mŽcanique È. La m•re de la narratrice de Cinq Kopecks Žtait, de lÕaveu m• me de sa fille, Ç tr•s laide È, avec son Ç menton pointu [ É] avec une bouche encore plus pointue qui avait du mal ˆ cacher lÕavancŽe des incisives plantŽes de travers, m•me si cÕŽtait sans doute lˆ [lÕune de ses] moindres imperfecti­ons È. Conscient que sa fille ne serait jamais la belle, le p• re fit en sorte quÕelle ne soit pas non plus la b•te. Ou, plut™t, si : une b•te de concours. Chez les Schneider, on ne rigole pas avec lÕŽducatio­n, et cette derni•re se rŽvŽlera un redoutable petit prodige intellectu­el. Mais il y a un domaine o• cette manipulatr­ice ne brillera pas : la capacitŽ ˆ aimer son prochain. A lÕheure o• la mort se rapproche ˆ grands pas, cette femme serait-elle passŽe, au fond, ˆ c™tŽ de sa vie?

Explorant un demi- si• cle dÕhistoire allemande, Sarah Stricker dŽcrit surtout dans son intense premier roman, Cinq Kopecks, le destin dÕune handicapŽe des sentiments. Il y a ˆ la fois de la cruautŽ et de lÕaffectio­n dans le regard que porte la romanci•re sur ce personnage complexe. Et quelques chapitres superflus nÕentachen­t toutefois pas la force de ce roman, ˆ lÕŽcriture incisive (on saluera la traduction de Pierre Deshusses), qui mŽrite bien plus que quelques piŽcettesÉ B.L.

Miriam ne peut sÕemp• cher dÕavoir peur. Une crainte sourde, une angoisse latente, qui lui interdit de sortir de chez elle, m•me pour faire le tour du p‰tŽ de maison. Ralph hŽsite sur les chemins ˆ prendre dans sa vie trop rangŽe. Il aime le jardinage, est vaguement psychothŽr­apeute, mais, pour lÕessentie­l, il partage son existence avec une femme qui rŽdige son quotidien le plus intime et le plus insipide sur Twitter. Un jour, tout cela doit changer : Miriam dŽcide dÕouvrir sa porte et de poser le pied sur la premi•re marche du perron, et Ralph fuit dans les bois avec sa guitare. Ces deux-lˆ ressemblen­t ˆ des funambules qui essayent de ne pas baisser les yeux tant le vertige les tŽtanise. Ils se rencontrer­ont, forcŽment, mais on sera loin du conte de fŽes. Plut™t dans une soirŽe feu de camp avec chansons des Beatles et musique country murmurŽes ˆ la guitare acoustique.

Dans ce premier roman qui pŽtille comme du prosecco, lÕAnglaise Rachel Elliott sugg•re que la nŽvrose se combat avec des doses massives dÕhumour et dÕironie, imaginant des dialogues fluorescen­ts que Michel Gondry ne renierait pas. Elle nous parle dÕÇ estime de soi È sans sortir les discours pitoyables des psys qui nous inondent de conseils pour •tre heureux en respirant par le ventre. Murmures dans un mŽgaphone donne envie de marcher sous la pluie apr•s un rendez-vous chez le coiffeur, de hurler des mots interdits dans un magasin de luxe, de manger du gras et de se dire que la mŽlancolie est un cadeau du ciel et une lutte de tous les instants.

Sarah Stricker, Rachel Elliott,

• C.F.

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HH HH La Marque et le Vide (The Mark and the Void) HHH

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