Le coup de trop…
Il aura fallu légiférer sur la violence conjugale pour faire de celle-ci un crime aux yeux de tous.
Depuis toujours, le mari a battu son épouse comme plâtre. Mais, du droit de correction médiéval à la violence conjugale caractérisée, longtemps, le droit a évité d’entrer dans la vie privée. Le Code Napoléon ( 1804), en consacrant la toute puissante autorité maritale, ouvre le champ à la tyrannie domestique. La justice, très indécise, s’arrêtera longtemps sur le seuil inviolable du domicile conjugal. Mais trop, c’est trop ; on ne put faire la sourde oreille aux cris et aux appels à l’aide de la femme maltraitée, montant de tous les coins de France. La société s’émeut et le droit se mobilise contre le despote domestique. Dans son cabinet, le juge d’instruction, figure centrale du dispositif judiciaire, évalue, cerne, atteste la violence conjugale qui peut mener l’époux aux assises. Pour un certain féminisme militant et peu regardant, ce XIXe siècle, celui du « droit bourgeois », de l’ordre moral et du patriarcat aurait négligé les violences conjugales. Il n’en est rien. Juristes, policiers, magistrats, experts se sont emparés de l’affaire, et très sérieusement. Au point que le crime même de viol conjugal fut constitué. Historienne du droit, Victoria Vanneau déploie dans son livre passionnant, archives à l’appui, la généalogie de l’affaire. La violence conjugale n’est jamais un simple fait divers journa - listique, mais avant tout un fait de droit constitué, instituant un délit, un crime, une peine. Si battre sa femme fut, un temps, une méprisable évidence, c’est, de nos jours, un crime. On devrait enseigner l’histoire du droit à l’école.
Alain Rubens
Victoria Vanneau,