Petits faux-semblants
l ne faut surtout pas se fier aux apparences. Alex Robinson, représentant typique de ces auteurs indépendants new-yorkais que les bédéphiles français adorent, passe une bonne partie de ce nouvel album à nous raconter les petites histoires de couple d’une poignée de bobos new-yorkais, bien engagés dans la trentaine. Mais tout est dans les interstices, surtout quand s’y introduit l’intello Herschel, qui entraîne un des héros – le plus solitaire – au Planétarium contempler notre vertigineux « univers en expansion ». Comme ce roman graphique se termine par un « prologue » où l’on traite de maternité (et donc de paternité), on n’a pas beaucoup de mal à traduire que l’expansion en question, c’est d’abord celle de l’espèce. Alex Robinson met en scène, en paroles – les dialogues sont chez lui vifs et convaincants – et en images,
• les petits plaisirs et les grosses embrouilles du milieu qu’il connaît, ce qui est honnête et pourrait vite lasser. Mais sa manière de passer du microcosme de quicouche-avec-qui au macrocosme des galaxies qui ne cessent de s’éloigner les unes des autres est astucieuse, comme est pertinente sa collision entre l’agonie à l’hôpital de la mère de Marcy ou l’échographie de la femme de Billy (c’est toujours Marcy) et la découverte des « planètes solitaires » ou l’annonce que la fin du système solaire est programmée pour dans six milliards d’années. L’auteur ne commente pas ces intéressantes nouvelles, qui en réjouiront certains et en accableront d’autres. Mais on peut penser qu’il nous a dessiné deux cent cinquante pages de vignettes nonchalantes en noir et blanc surtout histoire de prendre acte pour les six milliards d’années qu’il nous reste. P.O.
Alex Robinson,