DES LIVRES NOIRS, ET MÊME TROP
n vedette d’habitude dans cette page : des livres par lesquels nos politiques expriment leurs regrets, leurs espŽrancesÉ Eventuellement leurs idŽes. Mais il y a aussi des ouvrages qui traitent des probl•mes dont nous sommes tous les jours accablŽs. Au moment o• les syndicats bloquent la France et prennent les Fran•ais en otage, voici un livre enqu•te de deux journalistes, Erwan Seznec et Rozenn Le Saint, qui tombe comme mars en car•me. A l’Žtranger, on s’Žtonne que des syndicats qui reprŽsentent ˆ peine 7 % des salariŽs s’arrogent le pouvoir de rejeter des lois votŽes par le Parlement, d’arr•ter les voitures et les trains quand ce n’est pas de mettre le feu aux prŽfectures. Ce Livre noir des syndicats se propose de rŽpondre aux questions que nos dirigeants politiques, Žconomiques, syndicaux prŽf•rent ignorer.
C’est du tr•s bon travail de journaliste, sans fioritures ni littŽrature. Mais ce voyage ˆ travers des organisations syndicales suscite, ˆ chacune de ses pages, la stupeur, l’indignation, l’accablement. Parfois le rire aussi, mais douloureux. Les auteurs nous Žpargnent leurs commentaires courroucŽs : ils se contentent des faits, des chiffresÉ et des jugements des tribunaux.
L’ouvrage dŽbute sur le financement de la vie syndicale. D’entrŽe de jeu, on est en plein brouillard : Ç Pour conna”tre le total de l’argent des syndicats, il faudrait, Žcrivent nos auteurs, synthŽtiser les dizaines de milliers de bilans dŽposŽs par les fŽdŽrations et les syndicatsÉ Et encore, beaucoup mentent par omission. È Un rapport Žtabli en 2012 par le dŽputŽ Perruchot Žvalue ˆ 232 millions d’euros l’aide versŽe par la collectivitŽ. A quoi il faut ajouter le cožt des dŽtachements au profit de ces organisations (1,34 milliard d’euros pour la seule fonction publique). Et si l’on prend en compte les autres canaux de financement, on aboutit ˆ un total de 4 milliards d’euros, ce qui est tr•s cher payer pour les dommages de tous ordres que l’action des syndicats gŽn•re. A titre indicatif, l’UNEDIC, la caisse dŽvolue aux ch™meurs, verse chaque annŽe 7 millions d’euros aux partenaires sociaux.
L’Ždifiant livre des deux journalistes Žnum•re toutes les Ç affaires È qui atterrissent, mais pas toujours, devant les tribunaux : depuis le vol dont a ŽtŽ victime le syndicat de la propretŽ de la rŽgion parisienne, jusqu’au Ç dŽtournement È effectuŽ au dŽtriment de la Ville de Dieppe par son maire communiste et chiffrŽ ˆ 475 000 euros. Mais la belle citŽ c™ti•re n’est pas la seule commune o• les agents municipaux qu’elle rŽmun•re travaillent en rŽalitŽ pour le parti, le syndicat, ou pour les deux.
Il faut dire que nos organisations syndicales, si pauvres en adhŽrents, regorgent de permanents ˆ ne savoir qu’en faire. Ainsi, les si•ges parisiens de la CFDT, les unions rŽgionales et dŽpartementales emploient 3000 permanents. Ce noyau dur est encadrŽ d’un second cercle de 7000 syndicalistes fonctionnaires. La m•me CFDT, pour la formation de ses cadres, dispose d’un ch‰teau du si•cle hŽritŽ d’un mŽc•ne au si•cle dernier.
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En mati•re de trŽsors de guerre (sociale), on conna”t ceux des comitŽs d’entreprise d’EDF, de la RATP (80 millions d’euros de budget annuel) ou de la Police, l’ANAS, qui malgrŽ une dotation de pr•s de 3 millions d’euros prŽsente un dŽficit de plus de 1 million d’euros. Quant au syndicat des finances et des imp™ts, Solidaires Finances, il g•re de main de ma”tre son patrimoine immobilier de 2 millions d’euros s’ajoutant ˆ 5,3 millions d’euros de fonds propres. Osera-t-on Žvoquer encore le dŽsastre de la caisse de retraite de l’enseignement et de la fonction publique qui, apr•s dix ans d’instruction judiciaire, a vu son dirigeant, l’ancien ministre RenŽ Teulade (aujourd’hui dŽcŽdŽ) condamnŽ ˆ dix mois de prison avec sursis et 5000 euros d’amende pour abus de confiance.
Le reste est trop connu : le tout-puissant syndicat du livre qui, non content d’avoir poussŽ ˆ la faillite tant d’organes de presse, vient d’emp•cher la parution des quotidiens nationaux Ç coupables È de n’avoir pas publiŽ son communiquŽ, ou les intermittents du spectacle qui se rŽveillent chaque ŽtŽ ˆ l’ouverture des festivals pour exercer ce qu’il faut bien appeler un chantage. Mais l’on s’amusera peut-•tre d’apprendre que la FNSEA, organisation reine des agriculteurs, est dirigŽe par un dr™le de paysan, Xavier Beulin, qui prŽside une holding affichant 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires et employant 8200 personnes.
Ouf! Avec Le Sénat, dŽclarŽ Ç vŽritable petit paradis fiscal È par l’auteur, Yves Stefanovitch, qui lui consacre une enqu•te, on aborde des chiffres moins vertigineux. Chaque sŽnateur per•oit une indemnitŽ de 1 420 euros par mois qui Žchappe ˆ l’imp™t et touche la bagatelle de 7 200 euros Ç au black È comme un brave plombier polonais. Mais l’auteur s’emploie surtout ˆ clouer au pilori tous ces honorables sŽnateurs qui trichent sans vergogne, soit comme JeanPierre Raffarin en multipliant les voyages, soit comme Fran•ois Baroin en se pointant aux rŽunions des commissions pour Žchapper aux sanctions puis en filant en douceÉ comme un voleur.
Erwan Seznec Rozenn Le Saint, Yvan Stefanovitch, Goulard, Sylvie
Avec Sylvie Goulard, l’indignation est plus noble : l’Europe. Quand elle a Žcrit son livre, elle ignorait le rŽsultat du rŽfŽrendum britannique du 23 juin. Mais elle ne supportait pas l’arrangement ˆ la sauvette, les concessions faites aux Britanniques sans dŽbat ni rŽflexion stratŽgique pour leur permettre de rester dans l’Europe.
Au total, les trois ouvrages soul•vent une question impie : ˆ quoi nous servent ces organisations syndicales, cette Haute AssemblŽe, cette Europe de Bruxelles qui nous cožtent tant sans nous rendre la vie meilleure?