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DES LIVRES NOIRS, ET MÊME TROP

- Le Livre noir des syndicats par et 384 p., Robert Laffont, 21 Le Sénat par 248 p., Editions du Rocher, 18,90 Goodbye Europe par 144 p., Flammarion, 12

n vedette d’habitude dans cette page : des livres par lesquels nos politiques expriment leurs regrets, leurs espŽrances­É Eventuelle­ment leurs idŽes. Mais il y a aussi des ouvrages qui traitent des probl•mes dont nous sommes tous les jours accablŽs. Au moment o• les syndicats bloquent la France et prennent les Fran•ais en otage, voici un livre enqu•te de deux journalist­es, Erwan Seznec et Rozenn Le Saint, qui tombe comme mars en car•me. A l’Žtranger, on s’Žtonne que des syndicats qui reprŽsente­nt ˆ peine 7 % des salariŽs s’arrogent le pouvoir de rejeter des lois votŽes par le Parlement, d’arr•ter les voitures et les trains quand ce n’est pas de mettre le feu aux prŽfecture­s. Ce Livre noir des syndicats se propose de rŽpondre aux questions que nos dirigeants politiques, Žconomique­s, syndicaux prŽf•rent ignorer.

C’est du tr•s bon travail de journalist­e, sans fioritures ni littŽratur­e. Mais ce voyage ˆ travers des organisati­ons syndicales suscite, ˆ chacune de ses pages, la stupeur, l’indignatio­n, l’accablemen­t. Parfois le rire aussi, mais douloureux. Les auteurs nous Žpargnent leurs commentair­es courroucŽs : ils se contentent des faits, des chiffresÉ et des jugements des tribunaux.

L’ouvrage dŽbute sur le financemen­t de la vie syndicale. D’entrŽe de jeu, on est en plein brouillard : Ç Pour conna”tre le total de l’argent des syndicats, il faudrait, Žcrivent nos auteurs, synthŽtise­r les dizaines de milliers de bilans dŽposŽs par les fŽdŽration­s et les syndicatsÉ Et encore, beaucoup mentent par omission. È Un rapport Žtabli en 2012 par le dŽputŽ Perruchot Žvalue ˆ 232 millions d’euros l’aide versŽe par la collectivi­tŽ. A quoi il faut ajouter le cožt des dŽtachemen­ts au profit de ces organisati­ons (1,34 milliard d’euros pour la seule fonction publique). Et si l’on prend en compte les autres canaux de financemen­t, on aboutit ˆ un total de 4 milliards d’euros, ce qui est tr•s cher payer pour les dommages de tous ordres que l’action des syndicats gŽn•re. A titre indicatif, l’UNEDIC, la caisse dŽvolue aux ch™meurs, verse chaque annŽe 7 millions d’euros aux partenaire­s sociaux.

L’Ždifiant livre des deux journalist­es Žnum•re toutes les Ç affaires È qui atterrisse­nt, mais pas toujours, devant les tribunaux : depuis le vol dont a ŽtŽ victime le syndicat de la propretŽ de la rŽgion parisienne, jusqu’au Ç dŽtourneme­nt È effectuŽ au dŽtriment de la Ville de Dieppe par son maire communiste et chiffrŽ ˆ 475 000 euros. Mais la belle citŽ c™ti•re n’est pas la seule commune o• les agents municipaux qu’elle rŽmun•re travaillen­t en rŽalitŽ pour le parti, le syndicat, ou pour les deux.

Il faut dire que nos organisati­ons syndicales, si pauvres en adhŽrents, regorgent de permanents ˆ ne savoir qu’en faire. Ainsi, les si•ges parisiens de la CFDT, les unions rŽgionales et dŽpartemen­tales emploient 3000 permanents. Ce noyau dur est encadrŽ d’un second cercle de 7000 syndicalis­tes fonctionna­ires. La m•me CFDT, pour la formation de ses cadres, dispose d’un ch‰teau du si•cle hŽritŽ d’un mŽc•ne au si•cle dernier.

En mati•re de trŽsors de guerre (sociale), on conna”t ceux des comitŽs d’entreprise d’EDF, de la RATP (80 millions d’euros de budget annuel) ou de la Police, l’ANAS, qui malgrŽ une dotation de pr•s de 3 millions d’euros prŽsente un dŽficit de plus de 1 million d’euros. Quant au syndicat des finances et des imp™ts, Solidaires Finances, il g•re de main de ma”tre son patrimoine immobilier de 2 millions d’euros s’ajoutant ˆ 5,3 millions d’euros de fonds propres. Osera-t-on Žvoquer encore le dŽsastre de la caisse de retraite de l’enseigneme­nt et de la fonction publique qui, apr•s dix ans d’instructio­n judiciaire, a vu son dirigeant, l’ancien ministre RenŽ Teulade (aujourd’hui dŽcŽdŽ) condamnŽ ˆ dix mois de prison avec sursis et 5000 euros d’amende pour abus de confiance.

Le reste est trop connu : le tout-puissant syndicat du livre qui, non content d’avoir poussŽ ˆ la faillite tant d’organes de presse, vient d’emp•cher la parution des quotidiens nationaux Ç coupables È de n’avoir pas publiŽ son communiquŽ, ou les intermitte­nts du spectacle qui se rŽveillent chaque ŽtŽ ˆ l’ouverture des festivals pour exercer ce qu’il faut bien appeler un chantage. Mais l’on s’amusera peut-•tre d’apprendre que la FNSEA, organisati­on reine des agriculteu­rs, est dirigŽe par un dr™le de paysan, Xavier Beulin, qui prŽside une holding affichant 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires et employant 8200 personnes.

Ouf! Avec Le Sénat, dŽclarŽ Ç vŽritable petit paradis fiscal È par l’auteur, Yves Stefanovit­ch, qui lui consacre une enqu•te, on aborde des chiffres moins vertigineu­x. Chaque sŽnateur per•oit une indemnitŽ de 1 420 euros par mois qui Žchappe ˆ l’imp™t et touche la bagatelle de 7 200 euros Ç au black È comme un brave plombier polonais. Mais l’auteur s’emploie surtout ˆ clouer au pilori tous ces honorables sŽnateurs qui trichent sans vergogne, soit comme JeanPierre Raffarin en multiplian­t les voyages, soit comme Fran•ois Baroin en se pointant aux rŽunions des commission­s pour Žchapper aux sanctions puis en filant en douceÉ comme un voleur.

Erwan Seznec Rozenn Le Saint, Yvan Stefanovit­ch, Goulard, Sylvie

Avec Sylvie Goulard, l’indignatio­n est plus noble : l’Europe. Quand elle a Žcrit son livre, elle ignorait le rŽsultat du rŽfŽrendum britanniqu­e du 23 juin. Mais elle ne supportait pas l’arrangemen­t ˆ la sauvette, les concession­s faites aux Britanniqu­es sans dŽbat ni rŽflexion stratŽgiqu­e pour leur permettre de rester dans l’Europe.

Au total, les trois ouvrages soul•vent une question impie : ˆ quoi nous servent ces organisati­ons syndicales, cette Haute AssemblŽe, cette Europe de Bruxelles qui nous cožtent tant sans nous rendre la vie meilleure?

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