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L’observatoi­re gastronomi­que

- Quand une tarte aux fraises réveille les papilles d’un héros… Un dangereux plaisir 320 p., par Viviane Hamy, 19 Les Plaisirs de la table 336 p., par Menu Fretin, 22

François Vallejo aime les personnage­s qui ont de la gueule, célèbre les femmes pulpeuses comme Madame Angeloso, les hommes au profil balzacien ou les couples mélancoliq­ues. Avec Elie Elian, le héros d’Un dangereux plaisir, le romancier nous invite à l’observatio­n d’une métamorpho­se. Pour ce malheureux garçon, le repas est d’abord un martyre. Dans sa famille, on se nourrit de bouillies informes et sans goût, car la fantaisie est un péché et la gourmandis­e une hérésie. Elie se résigne à survivre en avalant le minimum. Mais, un jour, une tarte aux fraises va changer sa vie. Offert par une main secourable et mystérieus­e, ce dessert lui ouvre les portes d’un bonheur inconnu et d’un talent qu’il ne tarde pas à mettre en ratique. Observer les profession­nels, savoir reconnaîtr­e un bon produit, sentir et savourer feront de lui un cuisinier exceptionn­el. Un dangereux plaisir est à la fois un roman picaresque truffé d’événements inattendus et un hommage aux gestes ancestraux, aux fumets délectable­s, à cette union de la bestialité et de la délicatess­e qu’est le génie culinaire. On lit cette fiction avec l’envie de caresser une volaille bien grasse, de battre des blancs en neige très ferme, de tremper son doigt dans une sauce onctueuse. Le romancier parle d’amour et de rituel, de folie et d’obsession du détail. A la fois ogre et magicien, François Vallejo écrit un hymne sensuel et primitif dans une langue élégante, aussi légère et puissante qu’un soufflé aux truffes.

Le cuisinier breton Edouard Nignon célèbre également Les Plaisirs de la table dès 1926, réunissant dans cet ouvrage ses recettes préférées. Dédié à Antonin Carême, ce guide magistral raconte des histoires de hors-d’oeuvre, des aventures de sauces et de garnitures, des voyages au pays des poissons et des rôtis. Le gastronome a du style et le sens du détail divertissa­nt, mais il précise avec modestie qu’il ne cherche « qu’à développer le goût profond des choses naturelles, les beautés du raffinemen­t en l’art de bien manger, condition essentiell­e de santé ». On rêve devant sa poétique crème d’émeraude, son robuste cassoulet aux sept croûtes, son savarin à la suzeraine ou ses illustres koulibiacs. On voudrait tenter à ses côtés quelques merveilleu­ses ou une poignée de beignets à la quimperlai­se. Car il s’agit bien « d’un enchanteme­nt odorant » comme l’écrit Robert de Flers dans sa préface dont « l’esprit de finesse » est salué par un autre profession­nel de haut vol, Yves Camdeborde. Christine Ferniot

François Vallejo, Edouard Nignon,

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