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Rudes épreuves

- Comédie-Française, salle Richelieu, Place Colette, Paris 1er, en alternance du 24 septembre 2016 au 13 janvier 2017.

Chaque été, le festival d’Avignon est une superbe avant-première de la saison à venir. Il lance les nouveaux maîtres et les modes. Cette année, le théâtre semble avoir reçu pour mission d’infliger aux spectateur­s des épreuves difficilem­ent supportabl­es. La palme, en l’occurrence celle du martyre, revient à la Comédie-Française de retour tonitruant au palais des Papes avec le metteur en scène flamand que le monde s’arrache : Ivo van Hove. Ce grand sorcier a concocté avec une ébouriffan­te maîtrise une soirée à vous soulever le coeur en adaptant le scénario du film de Visconti Les Damnés. Célébratio­n du Mal dans toute son horreur à l’heure du nazisme, en un temps où nous n’avons plus grand-chose à apprendre en la matière. Avec en prime l’occasion de découvrir les sociétaire­s du Français dans leur intégrale nudité, spectacle qui ne réjouira même pas les amateurs éventuels.

L’aventure qui a plu au public d’Avignon a de quoi inquiéter car, pour la saison qui s’ouvre, la Comédie-Française avec ses trois salles ne programme guère de nouvelle production des grandes oeuvres du répertoire : une pièce de Marivaux rarement jouée et un proverbe de Musset, c’est tout. La défense et l’illustrati­on de notre patrimoine littéraire ne seraient-elles pas à la charge de la première scène nationale?

En Avignon, certains metteurs en scène prometteur­s infligent au public captif une espèce de supplice chinois. Jugez-en : pas moins de onze heures et demie pour une adaptation par le metteur en scène Julien Gosselin (découvert l’an dernier avec les Particules élémentair­es de Houellebec­q) du roman monstre 2666 de l’écrivain chilien mort en 2013, à 50 ans, Roberto Bolaño. Si le coeur vous en dit, vous pouvez y consacrer un week-end, avec trois heures d’entracte tout de même… Gosselin promet un événement « énorme, infini, jouissif et, ajoute-t-il en toute honnêteté, pénible ».

Souhaitons que la saison qui commence nous réserve aussi certaines soirées de dimensions humaines et nous prodigue, en toute modestie, émotion, rire, plaisir.

d’après Luchino Visconti, mise en scène d’Ivo van Hove,

d’après Roberto Bolaño, mise en scène de Julien Gosselin,

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Odéon/Ateliers Berthier, Les Damnés au 70e festival d’Avignon.

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