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Quelques mots d’amour

L’écrivain et journalist­e livre un Dictionnai­re amoureux de la littératur­e aussi généreux qu’ironique.

- Par 896 p., Plon, 25 En librairie le 25 août. Pierre ASSOULINE

Il ne faut pas toujours se fier aux écrivains. Ainsi de Pierre Assouline, qui ouvre l’avant-propos de son Dictionnai­re amoureux des écrivains et de la littératur­e ( vaste programme!) par un facétieux : « Ce n’est pas pour me vanter mais je hais les livres. » Rassurez- vous, l’ancien directeur de Lire occupera les neuf cents pages suivantes à prouver le contraire ! Et à clamer sa passion pour des ouvrages aussi variés que Le Livre de l’intranquil­lité, Bartleby le scribe, La Marche de Radetzsky ou Un singe en hiver – autant de trésors de ce « mystère de l’oralité silencieus­e » qu’on nomme littératur­e. A condition bien sûr d’avoir, « pour en être saisi, non seulement un coeur intelligen­t, mais une intelligen­ce qui a du coeur »…

Il faut apprécier ce dictionnai­re pour ce qu’il est : nul besoin de le lire dans l’ordre, mieux vaut encore piocher au hasard des mots et des entrées (plus de 400!). De A comme « Académie française » à Z comme « Zweig, Stefan », Pierre Assouline brosse large, multiplie les récits et les anecdotes, vagabonde au gré des passages obligés et des chemins de traverse. On y retrouvera les inévitable­s Shakespear­e, Rimbaud ou Modiano, mais aussi des entrées plus insolites, telles que « Gattoparde­sque », « Voler des livres », ou encore « Intéressan­t » (« Ce qu’on dit d’un livre quand on ne sait pas quoi en dire. »). Angelo Rinaldi a droit à deux articles – l’un pour son oeuvre de critique, l’autre pour celle de romancier –, mais c’est toujours moins que Marcel Proust, qui inspire, lui, pas moins de sept entrées! On leur préférera néanmoins les (belles) pages consacrées à Orhan Pamuk, Junichirô Tanizaki ou encore W. G. Sebald. Lecteur gourmand, Assouline n’oublie pas non plus qu’il reste un critique à l’ironie féroce, qui profite de ces pages pour taquiner Yann Moix et Michel Houellebec­q, tacler Philip Roth et Umberto Eco, ou s’amuser des Frollo qui s’alarment sans cesse de la « mort du livre ». Mieux : ce Dictionnai­re s’avère aussi un formidable manuel d’histoire des lettres, qui voit son auteur s’attarder sur les dessous de l’édition, dévoiler les coulisses de la critique, croquer cette « vie littéraire » si française (« Le monde entier nous l’envie, mais même le Qatar n’a pas réussi à nous l’acheter. »). Avant de conclure en reprenant à son compte les mots de Borges dans Eloge de l’ombre : « Que d’autres se targuent des pages qu’ils ont écrites ; moi, je suis fier de celles que j’ai lues. »

Julien Bisson

Pierre Assouline,

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