J’ai mal pour toi
Un recueil de textes qui, à partir d’expériences vécues, interroge notre rapport à l’autre.
Leslie Jamison, une jeune Américaine de 33 ans, est une auteure qui assume tous les rôles. D’abord et avant tout PS, c’est-à-dire patient standardisé. Payée pour simuler les symptômes de maladies, elle les endosse en suivant un scénario bien établi, pour tester la capacité d’empathie d’internes en médecine. Elle peut ainsi, à l’envi, jouer l’hystérie, l’asthme, l’appendicite et même sa propre angoisse face à l’avortement. Ce recueil d’essais, encensé par la critique new-yorkaise, tourne donc autour de l’empathie.
Journaliste de vocation, elle a enquêté sur cette sidérante maladie des Morgellons, du nom de petits enfants du Languedoc qui présentèrent, naguère, des poils durs hérissés sur le dos. Elle se rend donc sans préjugés dans une église où se sont réunis ces Morgellons, pour rencontrer ces affligés cutanés d’un nouveau genre. Rita a perdu son travail, persuadée de sentir sa peau infestée. Paul, le pêcheur à la ligne, a tiré sur son oreille déformée à force de vouloir en extraire des vers imaginaires. Fibrilles gênantes, poils rebelles sous la peau, démangeaisons; les dermatologues refusent obstinément de reconnaître une maladie de la peau. La science lui a préféré le diagnostic de « délire de parasitose ». Une maladie imaginaire, une hallucination, un vrai délire à plusieurs. D’autant qu’un simple examen établit souvent la présence de bouts de coton, de morceaux de serviettes qui peluchent, de légères écorchures, bref des sensations anodines. Qu’a fait l’auteure pour approcher ces gens qui laissent le public incrédule? Comprendre sans juger, écouter sans défiance, questionner sans interroger, avec une réelle bienveillance. Passionnée par le cas de Frida Kahlo, cette femme peintre mexicaine (1907-1954), Leslie Jamison la campe en combattante, refusant toute sentimentalité. L’artiste dont le bus fut percuté par un tramway, a porté toute sa vie des corsets de plâtre. Affaiblie par la polio, alcoolique, elle se refusa toujours à l’apitoiement. Dans cette es-
Leslie Jamison,