Liberté chérie
n conna”t lÕÏuvre de Guy Delisle, cette mani•re descriptive de Ç raconter sa vie È, une vie quÕun dessin sage rendrait presque anodine si ce qui y est vu, vŽcu, transcrit nÕŽtait, au fond, si terrible. Ici les m•mes techniques narratives et graphiques sont mises au service dÕun autre, Christophe AndrŽ, ancien administrateur dÕune ONG humanitaire en poste dans le Caucase russe, qui, en 1997, a ŽtŽ enlevŽ par un groupe de TchŽtch•nes et retenu en otage pendant pr•s de quatre mois. Cet Žpais volume suit exactement, obstinŽment, le dŽroulement de cette torture par lÕespŽrance dont parle Villiers de LÕIsle-Adam. La souffrance physique et morale du prisonnier menottŽ jour et nuit ˆ un radiateur, sans aucune information sur ce qui peut se passer ˆ lÕextŽrieur Ð il est peut-•tre oubliŽ du monde? Ð, est racontŽe sans fioritures. Le rŽcit, par son minimalisme, nous fait entrer pas ˆ pas dans lÕenfer gris de lÕunivers carcŽral. Mais il permet aussi de mieux mettre en valeur les techniques de maintien en bonne santŽ mentale (le dŽcompte des jours, les remŽmorations encyclopŽdiquesÉ), la voluptŽ dÕune gousse dÕail longuement m‰chŽe ou lÕeuphorie de lÕŽvasion finale quand on se sent soudain Ç tout simplement invincible È. Triste condition humaine o• il faut •tre quatre mois en prison pour enfin percevoir, cÕest-ˆdire comprendre, ce que cÕest que la libertŽ. Pascal Ory
Guy Delisle,