LA GAUCHE ENTRE DAECH ET BREXIT
ier, la « gauche » était un mot culte que les fidèles ne prononçaient pas sans esquisser une génuflexion. Aujourd’hui, ce n’est plus que remords et nostalgie. Trahie par son peuple et par ses dirigeants, on parle d’elle au passé. Ainsi, Pierre Jacquemain, un de ces déçus de la gauche, intitule-t-il son livre cruel et désolé : Ils ont tué la
L’auteur a appartenu à des cabinets socialistes, à la mairie de Paris puis au ministère du Travail. A peine at-il quitté ce dernier poste qu’il s’est mis à écrire un pamphlet contre ses anciens camarades patrons, pratiquant le sport bien connu dans le monde politique du crachat dans la soupière nourricière.
La première victime de sa colère est, naturellement, le président de la République : « François Hollande, écritil, s’est fait élire sur un programme de gauche… Il avait toutes les cartes pour faire triompher la gauche… Il a tout gâché. » Et plus loin, d’ajouter : « Il dit ne mener ni une politique de gauche ni une politique de droite. Il mènerait alors une politique en faveur de l’intérêt général. De la pure démagogie… Il s’est embourbé dans une schizophrénie [!] qui nuit gravement à la politique, dans le sens noble du terme. Et surtout à la gauche. » On remarquera que l’auteur a mis du temps à percer la vraie nature du chef de l’Etat alors qu’il avait lu un livre dans lequel Pierre Bourdieu mettait en garde contre ce « pur produit de l’ENA se faisant élire à Tulle ». Car l’autre bête noire de Pierre Jacquemain, c’est l’Ecole nationale d’administration à laquelle il s’est présenté sans succès. « A l’ENA, dit-il, on n’innove pas. On apprend. On récite. On transmet… Les postes se transmettent par héritage, via un réseau parfaitement organisé. »
Mais bien plus que François Hollande ou l’Enarchie, c’est Myriam El Khomri, ministre du Travail dont il a été successivement le conseiller stratégie et la plume, que l’auteur s’acharne à démolir : « Elle a abandonné la politique, les idées. La pensée. Et la gauche avec… Elle ne met pas le système en danger. Pis : elle le renforce et le renouvelle. Et c’est tout ce qu’on lui demande. » Mais aussitôt il se laisse envahir par le repentir : « Je dénigre… Je dénigre… Alors qu’à travers la mission qui m’a été confiée pendant plusieurs mois aux côtés de la ministre du Travail, j’ai pleinement oeuvré à l’exercice de style. » Et pour finir ce coup de pied de l’âne : « Myriam El Khomri est responsable d’avoir renoncé à ses idées au profit d’une loi qui, certes, portera son nom, mais qui marquera à jamais l’histoire de notre pays au titre de la contre-révolution scellée du sceau de la trahison. » Et cédant à une mode, l’auteur adresse des remerciements à des amis, des parents, des camarades. Il y en a deux pages. Seule manque Myriam El Khomri. Il est vrai que dans le livre, elle a reçu son paquet !
En cette année terrible, la gauche au pouvoir affronte une difficulté imprévue : le Brexit. La bataille va se dérouler sur le terrain bancaire, les Britanniques s’efforçant par tous les moyens, réguliers ou non, de préserver ou recouvrer leur suprématie. Marc Roche, journaliste qui a passé l’essentiel de sa carrière à la City et à Wall Street, publie un nouveau livre sur l’inépuisable sujet, son cinquième. « La crise financière, écrit- il, n’a pas débuté comme tout le monde le croit le 15 septembre 2008 avec la chute de Lehman Brothers, mais un an plus tôt… quand une banque française [BNP Paribas] a mis le feu aux poudres. » On est bien content d’apprendre que la France a joué un rôle dans cette histoire qui est un chapitre de l’Histoire : malheureusement ce n’est pas un rôle glorieux. Dans ce livre, réservé aux amateurs de coups de Bourse, l’auteur dresse une brillante galerie de portraits de tous les princes mondiaux de la finance. On apprend au passage que le métier provoque chez les plus solides – Michel Pébereau, Daniel Bouton – de graves dépressions nerveuses. Ah ! Ce n’est pas si facile de cultiver les retraites chapeaux (300 000 euros par an).
Pierre Jacquemain, Marc Roche,
En attendant la campagne présidentielle et les livres qu’elle ne va pas manquer de faire pousser comme champignons à la rosée, le journaliste aquitain Bruno Dive nous donne une biographie d’Alain Juppé qu’il connaît bien. Trop bien ? Il n’échappe pas aux douceurs de l’hagiographie ni aux clichés. Manque surtout l’explication de la haine que se portent Juppé et Sarkozy. On risque fort pourtant de vivre pendant des mois au rythme des coups de poignard que ces deux-là vont s’échanger… jusqu’à la mort de l’un d’eux.
Bruno Dive,