Lien de soeurs
Un premier roman poétique où il est question de survie, d’amour et d’art.
En ce jour de Noël, quand Nell ouvre la première page de son nouveau journal intime, le monde est totalement bouleversé autour d’elle et de sa soeur, Eva. L’an dernier, les deux adolescentes parlaient encore de guirlandes lumineuses, de pudding et de cookies parfumant la cuisine maternelle. A présent, l’électricité est une nostalgie, et même les bougies se font de plus en plus rares dans la maison forestière. Ce soir, dans la pénombre, les deux filles s’offriront des cadeaux de fortune : un cahier vierge retrouvé derrière un meuble pour Nell et des chaussons de danse reprisés pour Eva. Les parents sont morts, les voisins ont disparu ou se terrent comme des fantômes. Il n’y a plus d’essence pour se rendre en ville, et seules trois poules survivantes dans la cour donnent le sentiment que la vie d’autrefois se maintient comme elle peut.
On ne saura jamais vraiment ce qui s’est passé dans cette région d’Amérique où les épidémies se sont développées en même temps que les catastrophes nucléaires et la crise énergétique. Nell et Eva y ont échappé en vivant tels des ermites au coeur d’un bois dense et fermé sur lui-même. Ni dystopie ni roman postapocalyptique, Dans la forêt est une oeuvre poétique portée par une certaine mélancolie, une beauté grave qui s’ouvre sur une pointe d’espérance. Nell survit grâce à l’amour des livres, Eva danse sans musique à longueur de journée. Elles attendent quelque chose qui ne se produit pas. Or, toute la puissance littéraire de ce premier roman de Jean Hegland, écrit et publié aux USA en 1996, est justement un mélange d’actions inattendues et de patience intense. Certes, des événements extérieurs vont bouleverser les jeunes filles avec leur lot de peur, de violence, d’émotion. Mais l’essentiel demeure l’union de ces deux soeurs, soudées mais différentes, courageuses sans être exceptionnelles. Elles ne doutent jamais de la nature qui les entoure, savent que la survie est là, dans ce cocon éclairé par une lumière pâle, telle une renaissance. Au loin, les hommes des villes se sont entre-tués. Ici, elles retrouvent les gestes ancestraux à l’ombre des grands séquoias. Jean Hegland offre à ses lecteurs un chant d’amour porté par deux héroïnes sensuelles. Son beau roman s’achève comme un premier matin du monde et, s’il n’est pas un conte de fée, il a tout d’une parabole inattendue. Christine Ferniot
Hegland, Jean
HHH