Faut-il ouvrir les bibliothèques le dimanche ?
Grande absente de cette campagne présidentielle, la culture a fait une brève apparition dans les débats par la question de l’ouverture dominicale des bibliothèques. Décryptage…
Parmi les rares questions culturelles ayant émergé de la campagne, celle, épineuse, de l’ouverture dominicale des bibliothèques. Fin janvier, sur France Culture, Emmanuel Macron se prononçait en faveur de l’élargissement des horaires le soir et le week-end : il s’agit d’« encourager l’accès des Français à la lecture », annonce-t-il. « C’est juste pour aller faire bosser les gens le dimanche! » lui répondent, quelques jours plus tard, Jean-Luc Mélenchon et son hologramme. Selon l’Inspection générale des bibliothèques, les biblio thèques françaises souffrent d’une durée d’ouverture hebdomadaire trop faible, peu adaptée aux usages et aux besoins de la population. Trop calquées sur les rythmes de travail des services administratifs, elles auraient tendance à exclure une partie de leur public potentiel, le plus fragile par ailleurs : étudiants salariés, familles qui ne partent pas en vacances, actifs désoeuvrés à l’heure du déjeuner, travailleurs aux emplois du temps irréguliers et ne pouvant pas se rendre à la bibliothèque en semaine… La nécessaire modernisation des horaires doit-elle dès lors passer par l’ouverture dominicale?
C’est en tout cas la position que soutient l’O.N.G. Bibliothèque Sans Frontières (BSF). En 2015, à l’approche des élections municipales, elle lance « Ouvrons + les bibliothèques ! », une campagne de sensibilisation à cette question à forte dimension citoyenne. « Les bibliothèques sont un lieu fondamental de l’égalité de l’accès au savoir, un lieu de liberté individuelle et de citoyenneté, souligne l’historien et politologue Patrick Weil, fondateur et président de BSF. A ceux qui n’ont pas les moyens de le faire chez eux, elles offrent la possibilité de lire, de s’informer, de communiquer. D’où la nécessité qu’elles soient ouvertes lorsqu’on en a besoin, c’est-à-dire lorsqu’on n’est pas occupé, lorsqu’on ne travaille pas. Comme les musées ! Ils sont fermés le mardi et ouverts le dimanche, car c’est à ce moment-là qu’on a le temps de les visiter. Il devrait en être de même pour ce service public qu’est la bibliothèque. Le droit à la culture et à l’information est un droit fondamental. Il doit être garanti pour tous. »
Les organisations professionnelles se montrent plus frileuses sur la question. « Il faut ouvrir mieux, mais pas nécessairement plus, répond Xavier Galaup, président de l’Association des bibliothécaires de France. Le dimanche ne nous paraît pas le sujet principal. Dans les grandes communes, il peut être étudié, mais toujours au cas par cas, de manière précise et circonscrite. » Pour l’heure, il semblerait que la plupart des bibliothèques ouvertes le dimanche enregistrent de très bons taux de fréquentation. Selon le quotidien breton Le Télégramme, la médiathèque de Saint-Malo accueille ainsi plus de 800 personnes en moyenne sur les quatre heures d’ouverture dominicale, contre 1 100 en semaine sur une journée entière. « Dans les communes plus petites, il faut offrir plus que la simple ouverture, proposer des animations, des spectacles, tempère Xavier Galaup. C’est aussi pour cela que nous sommes opposés à l’ouverture par des nonprofessionnels. Il faut pouvoir offrir un minimum de présence et d’accompagnement. »
Bien sûr, cette présence de qualité a un coût. Au niveau local, élus et représentants doivent composer avec de fortes contraintes budgétaires, dans un contexte social souvent tendu. En témoignent les difficultés rencontrées à la médiathèque Hélène-Berr à Paris, en grève en février dernier pour protester contre le manque de moyens humains dans la mise en place de l’ouverture dominicale par la mairie de Paris. Malgré la récente création d’un fonds de dotation national dédié, le financement reste insuffisant. « C’est d’autant plus gênant que le plus gros investissement, à savoir la construction du bâtiment et l’achat de livres, est de toute façon déjà fait », souligne Patrick Weil de BSF. Parmi les propositions sur la table, celle de créer des coopérations entre bibliothèques municipales d’un même territoire, qui ouvriraient le dimanche à tour de rôle. Comme les pharmacies de garde!
Estelle Lenartowicz
« Le droit à la culture et à l’information doit être garanti pour tous »