À LA MODE DU POLAR
Au début des années 1940, Edgar Faure – qui deviendra président du Conseil puis de l’Assemblée nationale – se pique d’écrire des romans policiers. Fidèle lecteur du Masque, proche de Gaston Leroux, il prend un pseudonyme, Edgar Sanday, pour imaginer quatre fictions qui alternent mystère et fantaisie sur fond social. Ces jours-ci, un autre politicien, Jean-Pierre Soisson, qui fut conseiller d’Edgar Faure dans les années 1960, signe un ouvrage, Les Polars d’Edgar (Editions de Fallois), en hommage à son mentor. Aujourd’hui, il n’est plus question de se cacher derrière un pseudonyme et de jouer les Agatha Christie en sous main. La mode du polar chez les politiques se consomme au grand jour, à côté des essais sur l’avenir de la société et les projets pour la France de demain. Ainsi, Jean-Louis Debré signe de son nom des romans « à clé », tel Meurtre à l’Assemblée (Fayard). Vincent Peillon se lance dans le thriller entre mafias et ex-nazis avec Aurora, chez Stock. Sans parler de Jacques Attali qui, dès l’entame de Premier Arrêt après la mort (Fayard), situé dans un « futur proche et chaotique », décrit le corps d’un homme « sans tête, ni mains, ni pieds; les bras en croix attachés, comme les chevilles, par des fils électriques ». Brrr. D’autres préfèrent écrire à quatre mains, comme Eva Joly avec Judith Pérignon pour French Uranium (Les Arènes), polar politicofinancier. Ou Gérard Filoche signant avec Patrick Raynal Cérium (Cherche midi) sur les mafias chinoises à Paris. Mode, passion ou prétexte pour faire parler de soi? « On n’écrit pas du roman noir par hasard ou par désoeuvrement », répondait un jour la romancière et historienne Dominique Manotti. A méditer. Christine Ferniot