Fuites américaines
Antonin VARENNE Un roman d’aventures puissant sur le destin d’un déserteur en quête d’équateur.
C’est toujours un plaisir quand les livres d’un auteur commencent à se nourrir les uns des autres. Ils ouvrent des mondes et engendrent des personnages toujours plus marquants. Le sergent et mercenaire Arthur Bowman était la figure centrale de Trois Mille Chevaux vapeur (Albin Michel, 2014), et voilà que lui succède ici un jeune homme qu’on y avait aperçu : Pete Ferguson, un des gamins planqués et élevés dans le ranch où se concluait le livre. Déserteur de la guerre de Sécession, il est devenu « voleur et incendiaire dans le Nebraska », « meurtrier dans le Nevada », marin, mercenaire, faux secrétaire et buveur invétéré. Equateur s’ouvre en juin 1871, quand il est embauché sous un faux nom par des chasseurs de bisons.
Le récit débute en mode western, dans un pays où la conquête de l’Ouest a repris de plus belle grâce à l’octroi de titres de propriété aux fermiers et à l’expansion du chemin de fer : « Des villes qui sortaient comme ça de terre, et on savait que le premier type qui ouvrait un saloon finissait maire, le premier à planter une clôture devenait sénateur et le premier à vendre des marteaux, propriétaires de rues entières. » Mais le renégat Ferguson doit toujours fuir en avant, et nous franchirons avec lui le Rio Grande, passerons au Mexique, au Guatemala puis, toujours plus bas, vers la Guyane, le Brésil, et cet équateur qu’il pense être le point de rédemption. Sa conquête à lui est celle du Sud, à l’envers des autres. Trois Mille Chevaux vapeur était une chevauchée entre la Birmanie, les égouts de Londres et le Far West au mitan du XIXe siècle, Equateur en est non une suite mais le prolongement sur un autre nouveau monde. Mais sachez que cette épopée entre guerres civiles et pays nouveaux est aussi un roman d’amour, grâce à la rencontre avec une Indienne chassée de sa terre. Vous croiserez des bons et des sales types, des abjects, des marins d’eau douce, des loups de mer, des poètes, des révolutionnaires. Vous trouverez ici de l’aventure, de la violence, de la fragilité, de l’émotion pure, tout ce qui forme la quête d’un homme et sa rage de vivre. C’est un nouveau tour de force d’Antonin Varenne, ce Français qui parvient à faire un « récit américain » fort en caractère. Nourri de descriptions précises, soutenu par une écriture sans fard et à fleur de peau, ce roman souffle un grand vent de liberté. Une ode à la puissance de la fiction. On en redemande.