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Terrible casse-tête

Laurent CHALUMEAU Aussi « abracadabr­antesque » que les précédents, ce roman est toutefois plus profond, et… plus drôle encore.

- Hubert Artus

Aforce d’être une vedette, on finit parfois collé au mur. Mais dans V. I. P., c’est pire. Le roman commence avec une actrice récemment « césarisée » , deux jeunes malfrats cagoulés venus tout voler chez elle en plein mois d’août, un président de la République en visite chez son amante, un garde du corps, et un paparazzi planqué en face. A la fin du premier chapitre, on a un magnifique quadruple homicide. La narration ne nous a épargnés ni les surprises ni les éclats de rire. La suite est à l’avenant, dans une enquête qu’il faut non pas boucler, mais enterrer – raison d’Etat. Or, on a une personne en fuite et une autre qui sait tout… sans se douter de tout ce qui la dépasse dans cette histoire. On l’a compris : ce qui dépasse, justement, converge dans un noeud d’in- trigues où les protagonis­tes se mêlent et s’emmêlent : la police judiciaire, l’avocat de la star, la juge d’instructio­n chargée du dossier, un pseudo- lanceur d’alerte et un média d’informatio­n en ligne. Chacun détient une pièce du puzzle, mais tout le monde ignore à qui profite le crime. Si le lecteur en sait plus long que les protagonis­tes, il n’est cependant pas au bout de ses surprises, car Chalumeau excelle à distiller ses révélation­s lorsqu’il s’agit d’un secret ( d’Etat). Roman à clés, V.I.P. revisite quelques frasques sexuelles arrivées à des présidents ou autres favoris des sondages. Vaudeville politique, il fait de même avec les coups bas que se réservent les membres d’un même gouverneme­nt. Polar, il les mêle à des histoires de détourneme­nts de fonds publics en Afrique. Comédie de moeurs, il s’amuse des malheurs chez les stars people. Si le rythme pêche parfois un peu, les ficelles sont tranchante­s, qui tiennent ce petit monde tout en le passant tout cru au hachoir. Comme souvent, Chalumeau impression­ne avec des dialogues et un regard qu’on lui sait hérités de Michel Audiard et d’Elmore Leonard. Mais ce V.I.P. renouvelle la veine mi- polar micomédie de Maurice le Siffleur (2006), Bonus (2010) et autre Kif (2014), prenant une dimension paranoïaqu­e propre à la politique-fiction, mais aussi à des séries télé modernes, qui semblent ici influencer la mise en scène. On notera aussi une profondeur dans le trait et l’art du portrait. Chalumeau sait écrire, et peut se permettre le parti d’en rire. Un pur bonheur que ces histoires de malheurs.

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HHH V.I.P. par Laurent Chalumeau, 272 p., Grasset, 18,90 €

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