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animé Destin

Gilles PARIS Révélé au grand public grâce au succès de Ma Vie de courgette, Gilles Paris est une figure bien connue de l’édition pour ses romans sur l’enfance blessée, mais aussi en tant qu’attaché de presse. Portrait d’un amoureux de chiens en pull vert.

- Baptiste Liger

Il est devenu une figure « capitale » du milieu littéraire, et pas seulement en raison de son nom de famille. Gilles Paris est en effet bien connu dans l’édition, en tant qu’attaché de presse. Les rouages de la parution d’un livre, ce grand gaillard de 58 ans les maîtrise parfaiteme­nt, lui qui accompagne les auteurs sur les plateaux télé ou dans les studios de radio. Seraitce pour cette dernière raison qu’il n’est pas à notre rendez-vous pour déjeuner (on remettra ça le lendemain)? Même pas : « Il s’agit d’un malentendu. » C’est la même chose avec le succès, d’ailleurs.

L’an passé, Gilles Paris a vécu l’un des plus beaux moments de sa vie – non pas en tant qu’attaché de presse, mais comme écrivain (oui, il écrit, aussi…). Il n’est autre que l’auteur d’Autobiogra­phie d’une courgette, le roman qui a donné naissance au long-métrage d’animation de Claude Barras Ma Vie de courgette. « Je suis bien conscient que j’ai vécu quelque chose d’exceptionn­el », confie ce quinquagén­aire en cachemire vert (presque) courgette au sujet du triomphe de ce film, nominé aux Oscars et lauréat de nombreuses récompense­s. « Celle qui m’a le plus réjoui, c’est sans doute le César de la meilleure adaptation pour Céline Sciamma », qui avait librement transposé l’histoire de son petit orphelin rejoignant un pensionnat rempli d’enfants pas gâtés par la vie, mais qui résistent. « Mes romans sont pratiqueme­nt toujours des histoires d’enfance et de résilience », analyse-t-il. On pourrait imaginer une forme d’exorcisme d’une jeunesse difficile ; il n’en est rien.

Gilles Paris a grandi, plutôt paisibleme­nt, dans le 10e arrondisse­ment parisien, aux côtés d’un père architecte et d’une mère qui ne travaillai­t pas. A l’âge de 10 ans, il commence à rédiger un journal intime, avant de passer aux nouvelles et aux poèmes. A 17 ans, alors qu’il végétait dans une boîte à bac, Gilles choisit d’arrêter les études (la faute au divorce de ses parents ?) et de travailler – d’abord en usine (chez Dior, aussi), puis en tant que testeur de médicament­s, barman et, enfin, au ministère de la Jeunesse, où il devait établir les revues de presse. Un déclic. Sur un coup de tête, il monte une agence de presse, APS, oeuvrant entre autres pour le Festival de Cannes. Le jeune homme n’imaginait pas que, des années plus tard, sa Courgette serait acclamée sur la Croisette… Lassé, il vend les parts de sa société et voyage tour à tour en Afrique et en Grèce. Il se prend alors à noircir des pages. « De retour en France, je suis devenu pigiste cinéma. » Les hasards des rencontres l’amèneront finalement à rejoindre l’édition au service de presse – chez Carrère, puis JC Lattès et Plon –, avant de devenir indépendan­t, en 2006. Mais cet amoureux des chiens avait déjà une autre corde à son arc. Au tout début des années 1990, quelques-unes de ses nouvelles étaient arrivées entre les mains de l’éditeur Jean-Marc Roberts qui, intrigué par le talent du garçon, le mit au défi d’écrire vingt pages d’un roman chaque semaine. Pari tenu, et c’est ainsi qu’en 1991 fut publié Papa et maman sont morts. Onze ans plus tard sortit Autobiogra­phie d’une courgette ( près de 300 000 exemplaire­s, toutes éditions confondues, sans compter les traduction­s), suivi d’Au pays des kangourous, de L’Eté des lucioles et, enfin, du tout récent Vertige des falaises.

« Ce livre, c’est mon hommage au cinéma d’Alfred Hitchcock », confie celui qui a baptisé son héroïne… Marnie ! Cette adolescent­e mystérieus­e vit sur une île, en compagnie de sa mère pas très en forme, Rose, et de sa grand-mère Olivia. A l’abri du besoin, le clan féminin des Mortemer réside dans une curieuse bâtisse « de verre et d’acier » appelée Glass. Non loin de chez elles, on trouve aussi Prudence et sa fille aveugle, Jane. Malédictio­n ou pas, les lieux semblent funestes pour les hommes qui s’en approchent. Ainsi, le père de Marnie, Luc, vient de décéder, et la mort du grandpère Aristide cache peut-être quelque chose de trouble. Le curé, le coiffeur ou le valeureux Dr Géraud Delorme devraient-ils se méfier? Vincy a-t-il raison de s’approcher de l’ado ténébreuse? Si les personnage­s du Vertige des falaises peuvent sembler un peu caricatura­ux, le puzzle à la Daphné Du Maurier fonctionne, notamment en raison d’une narration polyphoniq­ue indéniable­ment maîtrisée. Ce grand fan du film Inception s’en amuse : « Ah, j’ai soigné la structure, mais je n’ai aucun mérite : j’ai toujours adoré les jeux de constructi­on. » Preuve qu’on ne quitte jamais totalement l’enfance.

« Mes romans sont pratiqueme­nt toujours des histoires d’enfance et de résilience »

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HH Le Vertige des falaises par Gilles Paris, 256 p., Plon, 16,90 € En librairie le 6 avril.

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