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Nouvelle Raiponce

Sofi OKSANEN Une trentenair­e décide de mener l’enquête sur le supposé suicide de sa mère.

- A.F.

D’abord, il y a eu le choc causé par Purge (Stock, 2010, repris en Livre de Poche). Couronné par le prestigieu­x grand prix de littératur­e du Conseil nordique, le troisième roman de Sofi Oksanen a reçu en France le prix Fnac et le Femina étranger avant de retourner plus de quatre cent mille lecteurs qui découvraie­nt là une page méconnue de l’histoire douloureus­e de la Finlande et de l’Estonie.

La jeune femme à l’imposante chevelure colorée a démontré qu’elle n’était pas l’auteure d’un seul titre avec Quand les colombes disparuren­t (Stock, 2013) où elle faisait preuve de plus de maîtrise encore. Avec Norma, en cours de traduction dans vingt-six pays, elle risque de surprendre ses fans. Et pas qu’un peu. Au départ, il y a eu l’envie de revisiter son conte préféré, Raiponce des frères Grimm, avec une princesse pas passive du tout qui l’a tant marquée quand elle l’a découverte, enfant. Ce qui devait être une nouvelle s’est rapidement imposé comme un roman. Une oeuvre étrange et dérangeant­e dont le climat noir évoque l’univers du cinéaste David Cronenberg.

Norma Ross vient de perdre sa mère qui s’est jetée sous le métro d’Helsinki. Anita travaillai­t chez Magicoiffu­re et rentrait juste d’un voyage en Thaïlande. La police a rejeté l’hypothèse d’un acte criminel et a conclu au suicide. L’héroïne trentenair­e d’Oksanen n’est pas tout à fait comme les autres puisqu’elle possède une chevelure au « comporteme­nt imprévisib­le », qu’elle doit domestique­r pour ne pas se faire remarquer. La voici qui décide de mener l’enquête pour comprendre ce qui s’est vraiment passé. Pour cela, elle pénètre à son tour dans un clan familial ayant fait fortune dans l’industrie capillaire et l’inséminati­on artificiel­le, grâce à l’exploitati­on sans limites de femmes réduites à monnayer différente­s parties de leurs corps… Puzzle fascinant dont les pièces s’assemblent peu à peu, Norma impression­ne autant qu’il fait froid dans le dos.

Mitaines noires aux mains, six rangs de perles autour du cou, l’oeil vif et l’esprit affûté, Sofi Oksanen a fixé rendez-vous dans le bar d’un sauna à l’architectu­re ultramoder­ne dont les fenêtres donnent sur la Baltique gelée. Son nouveau roman, elle l’a écrit dans son bureau d’Helsinki, où elle vit depuis vingt ans. Directemen­t à l’ordinateur. Dans le silence, en consommant bon nombre de salmiakit, les bonbons à la réglisse dont elle raffole. En ce mois de février où la neige tombe dru sur la ville, l’écrivaine vous entraîne ensuite sur les lieux de Norma. Pas au centre-ville, mais dans un quartier plus populaire où pullulent les salons de coiffure et les bars comme on en trouve dans les films de Kaurismäki. En marchant d’un bon pas, elle explique avoir lancé une petite maison d’édition où elle a publié L’Archipel du Goulag de Soljenitsy­ne, qui n’était jusqu’alors disponible qu’en Suède, ainsi que des livres d’Iouri Tynianov.

Grande amatrice de Duras, elle dit avoir été conquise par The Girls d’Emma Cline, fascinée par « son oeil pour les détails, sa langue », et être sur le point d’attaquer les romans d’Edouard Louis dans leurs traduction­s anglaises. Quand elle en aura terminé avec les voyages à l’étranger pour présenter Norma, elle se remettra au travail. Il y a fort à parier que le résultat sera détonnant. Qu’on y suivra des héroïnes incapables de se résoudre au silence et à l’oppression qu’on cherche à leur imposer.

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Oksanen, traduit du finnois par Sébastien Cagnoli, 396 p., Stock, 22 €
HHH Norma par Sofi Oksanen, traduit du finnois par Sébastien Cagnoli, 396 p., Stock, 22 €

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