Visite guidée
Un questionnement sur l’avenir à travers le prisme de Renan.
Comme beaucoup de gloires littéraires du XIXe siècle, Ernest Renan est plus connu qu’il n’est lu. De son oeuvre surnage le texte de sa conférence sur la nation. On en retient la différence qu’il établit entre la conception ethnique de la nation, à l’allemande, et celle, civique et volontariste, dont la France s’honorerait. On sait encore que son best- seller, sa Vie de Jésus, cet « homme exceptionnel », a provoqué un
formidable séisme dans une France encore profondément catholique. On peut aussi, à raison d’une récente réédition (Les liens qui libèrent, 2009), avoir rencontré un autre texte : Le Judaïsme comme race et comme religion où il tordait le cou à l’antisémitisme racialiste qui commençait de faire florès. François Hartog, dans un essai court mais dense, nous invite à plonger plus profondément dans l’oeuvre de Renan et à méditer sur l’actualité de sa pensée. Trois mots l’inspirent et l’organisent : la nation, la religion, l’avenir. C’est le dernier, l’ « avenir » , qu’il faut entendre comme synonyme de « progrès », qui est directeur. Il nous dit qu’aucune catégorie historique – et notamment la nation, la religion – n’est éternelle. Il y a peu encore, comment n’aurions-nous pas souscrit à cette vision évolutionniste? Pourtant, pour n’être pas éternelles, ces catégories de nation et de religion sont têtues. Sont- elles aujourd’hui de retour et leur « dépassement » n’était-il qu’une illusion ? Que les réponses de Renan soient datées n’enlève rien à la pertinence des questions qu’il pose. Un grand petit livre.
M.R.