Tous sens dehors
Un essai qui invite à une écologie sensuelle.
Esprit mobile, agile, intuitif, cultivé, Michel Maffesoli, universitaire et sociologue atypique, a les qualités (et aussi les défauts) de l’homme virevoltant. S’il emprunte à d’autres ce néologisme un peu mystérieux d’« écosophie », c’est pour lui donner un sens qui lui est propre : une « sagesse du Réel » dont il esquisse chemin faisant les contours. Ce Réel à majuscule renvoie à l’ordre profond et naturel des choses. Il se distingue du réel superficiellement perçu, qui n’est qu’apparence, aussi bien que du réel objectivé et évidé par la représentation abstraite qu’en fournissent les sciences. Il s’agit donc de retrouver l’épaisseur, la sensualité et la part de mystère de ce Réel fort de ses dimensions émotionnelles, mythiques et imaginaires. C’est pour avoir oublié cette nature profonde des choses, que le monde, naturel et social, s’est trouvé dans l’état de dévastation que nous lui connaissons. L’écosophe en appelle dès lors à un renouveau de la sensibilité. Celui-ci ne saurait consister en un retour aux sagesses passées, sinon dépassées. La sensibilité écosophique maffesolienne se décline en effet en un « vouloir-vivre profondément enraciné, vouloir-vivre instinctuel, c’està-dire plus vécu que pensé, vouloir-vivre issu d’un fond primitif ne se laissant pas dévier par la Raison raisonnante, mais accordant aux sens, au sensible, au sensualisme la place leur revenant ». Bref, cet essai vibrionnant invite à un carpe diem dans lequel la transcendance devient immanence et le monde se réenchante, sinon se resacralise. Cette cavalcade enlevée, brillante, irritante parfois – l’art de la pointe confinant à celui du raccourci abusif – donne matière à réflexion. Gageons que le lecteur butinant çà et là saura y trouver de quoi faire son miel. Jean Montenot