IAN McEWAN
Dans une coque de noix
LE LIVRE Depuis ses débuts, il y a désormais plus de quarante ans, Ian McEwan s’est toujours plu à jouer avec l’esprit du roman policier, en détournant les codes avec humour et provocation. Son nouveau ( et bref) roman,
Dans une coque de noix, n’y fait pas exception : la belle Trudy, femme gâtée et vicieuse, a quitté son mari, John, poète sans le sou, pour son frère, le tristement banal Claude. Avec la complicité de son amant, elle projette désormais d’assassiner cet encombrant compagnon… Cette trame, on la connaît, c’est celle du Hamlet de Shakespeare, auquel McEwan adresse des hommages appuyés. Mais l’écrivain est malicieux, et donne voix à un curieux personnage pour observer ce sanglant ménage à trois : un foetus ! Plus précisément l’enfant à naître de John et Trudy, nourri des vers de son père et des podcasts de sa mère, et qui ne se résout pas à venir au monde orphelin ou en prison… Porté par ce drôle de narrateur, qui n’a pas sa langue dans sa poche, le roman glisse alors vers la comédie cruelle, la farce assassine : pris au piège de l’utérus maternel, l’enfant tentera de sauver son malheureux père – en même temps que d’éviter les assauts sexuels répétés de son oncle. Et l’auteur de saupoudrer l’ensemble de ses remarques incisives sur le changement climatique, l’extrémisme religieux, la crise de la démocratie ou le pessimisme ambiant. Roman volontiers mineur dans l’oeuvre de McEwan, Dans une coque de noix n’en reste pas moins une satire délicieuse et déjantée, à la prose sophistiquée. Un clin d’oeil à ses oeuvres de jeunesse, avec la virtuosité d’un vieux maître encore capable de nous surprendre et de nous ravir.
1
Me voici donc, la tête en bas dans une femme. Les bras patiemment croisés, attendant, attendant et me demandant à l’intérieur de qui je suis, dans quoi je suis embarqué. Mes yeux se ferment avec nostalgie au souvenir de l’époque où je dérivais dans mon enveloppe translucide, où je flottais rêveusement dans la bulle de mes pensées à travers mon océan privé, entre deux sauts périlleux au ralenti, heurtant doucement les limites transparentes de ma réclusion, la membrane révélatrice qui résonnait, tout en les atténuant, des voix de comploteurs unis par un projet ignoble. C’était au temps de ma jeunesse insouciante. Là, entièrement retourné, sans un centimètre à moi, les genoux repliés contre mon ventre, mes pensées comme ma tête sont bien engagées. Je n’ai pas le choix, mon oreille est plaquée jour et nuit contre ces parois sanguinolentes. J’écoute, je prends mentalement des notes, et je suis troublé. Je distingue des confidences funestes sur l’oreiller et je suis terrifié par ce qui m’attend, par ce à quoi je risque d’être mêlé.
Je suis immergé dans des abstractions, et seules leurs relations proliférantes créent l’illusion d’un monde connu. Quand j’entends « bleu », que je n’ai jamais vu, j’imagine une sorte d’événement mental assez proche de « vert » — que je n’ai jamais vu. Je me considère comme un innocent sur qui ne pèsent ni allégeances ni obligations, un esprit libre, malgré l’exiguïté de mon séjour. Personne pour me contredire ou me réprimander, pas de nom ni d’ancienne adresse, pas de religion, de dettes, d’ennemis. Sur mon agenda, s’il existait, ne serait notée que ma date de naissance à venir. Je suis, ou j’étais, contrairement à ce que disent aujourd’hui les généticiens, une ardoise vierge. Mais une ardoise glissante, poreuse, dont aucune salle de classe ni aucun toit de cottage n’aurait l’usage, une ardoise qui se couvrirait elle-même de caractères jour après jour, à mesure qu’elle grandirait et deviendrait moins vierge. Je me considère comme un innocent, mais il semble que je sois mêlé à un complot. Ma mère, béni soit son coeur à l’incessant bruit de pompe, semble impliquée.
Semble, Mère? Non, est. Tu l’es. Tu es impliquée. Je le sais depuis mon début. Laissez-moi l’évoquer, ce moment de création arrivé avec mon premier concept. Il y a longtemps, il y a des semaines, mon tube neural s’est refermé pour devenir ma colonne vertébrale, et mes millions de jeunes neurones, affairés comme des vers à soie, ont filé et tissé avec leurs axones la somptueuse étoffe dorée de ma première idée, une notion si simple qu’elle m’échappe désormais en partie. Étaitce « moi » ? Trop complaisant. Était-ce « maintenant » ? Dramatique à l’excès. Alors quelque chose d’antérieur aux deux, contenant les deux, un seul mot traduit par un soupir d’aise ou par l’extase de l’acceptation, de l’existence à l’état pur, quelque chose comme : « ceci » ? Trop précieux. Pour se rapprocher de mon idée, disons donc : « être ». Ou à défaut sa variante conjuguée : « est ». Telle était ma notion originaire, et voilà bien l’enjeu : ce « est ». Rien que ça. Dans le même esprit que : Es muss sein. Le début de la vie consciente représentait la fin de l’illusion, l’illusion du non-être, et l’irruption du réel. Le triomphe du réalisme sur la magie, de « est » sur « semble ». Ma mère est impliquée dans un complot, donc je le suis moi aussi, encore que mon rôle soit peut-être de le déjouer. Ou bien, si j’arrive trop tard, comme le dindon de la farce, de me venger.
Mais je ne me plains pas de mon sort. J’ai su d’emblée, quand j’ai déplié le drap d’or enveloppant le trésor de ma conscience, que j’aurais pu tomber plus mal, en des temps bien plus ingrats. Le tableau d’ensemble est déjà clair, en comparaison duquel mes soucis personnels sont négligeables, ou devraient l’être. Il y a tout lieu de se réjouir. J’hériterai de la modernité (hygiène, vacances, anesthésie, lampes de bureau, oranges l’hiver) et habiterai un coin privilégié de la planète : l’Europe de l’Ouest bien nourrie, épargnée par les épidémies. L’ancienne Europa sclérosée, relativement bienveillante, tourmentée par ses fantômes, vulnérable à la tyrannie, peu sûre d’elle, destination préférée de millions de malheureux. Mon environnement immédiat ne sera pas l’aimable Norvège — mon premier choix, compte tenu de son gigantesque fonds souverain et de sa généreuse protection sociale ; ni mon second choix, l’Italie, pour sa cuisine régionale et son délabrement inondé de soleil ; ni même mon troisième, la France, pour son pinot noir et son égoïsme enjoué. À la place, je recevrai en héritage le royaume pas franchement uni d’une reine âgée mais estimée, où un prince homme d’affaires, connu pour ses bonnes oeuvres, ses élixirs (essence de chou-fleur pour purifier le sang) et ses interventions anticonstitutionnelles, attend impatiemment sa couronne. Telle sera ma demeure, et je m’en accommoderai. J’aurais pu naître en Corée du Nord, où la succession est tout aussi incontestée, mais où la liberté et la nourriture manquent.
Comment se fait-il que moi, pas même jeune ni même né d’hier, j’en sache si long, assez pour me tromper sur tant de choses ? J’ai mes sources, j’« écoute ». Trudy, ma mère, quand elle n’est pas avec son ami Claude, aime la radio et préfère les paroles à la musique. Qui aurait prévu, à l’avènement d’Internet, l’engouement croissant pour la radio, ou la renaissance de cette expression archaïque : « sans fil » ? Par-dessus les bruits de laverie automatique de l’estomac et des intestins, j’entends les informations, sources de tous les mauvais rêves. Mû par une pulsion autodestructrice, je tends l’oreille pour suivre analyses et débats. Les bulletins répétés à l’heure juste, le rappel des titres toutes les demi-heures ne m’ennuient pas. Je tolère même le
BBC World Service et ses puérils coups de trompettes et de xylophone entre les émissions. Au milieu d’une longue nuit calme, il m’arrive de donner un bon coup de pied à ma mère. Elle se réveille, cède à l’insomnie, prend la radio. Un divertissement cruel, certes, mais au matin nous sommes tous deux mieux informés.
Elle aime les conférences podcastées et les livres audio d’accomplissement personnel : Connaissance du vin en quinze chapitres, biographies de dramaturges du XVIIe et divers classiques de la littérature mondiale. L’Ulysse de James Joyce l’endort, alors qu’il me ravit. Les premiers temps, quand elle insérait ses écouteurs, j’entendais distinctement, grâce à la propagation efficace des ondes acoustiques à travers maxillaire, clavicule, et le long de son squelette jusqu’au liquide amniotique nourricier. Même la télévision transmet par le son l’essentiel de sa maigre utilité. Et puis quand ma mère et Claude se retrouvent, ils discutent à l’occasion de l’état du monde, d’ordinaire pour s’en affliger, alors même qu’ils conspirent à l’aggraver. Là où je suis logé, sans rien d’autre à faire qu’à croître par le corps et l’esprit, j’enregistre tout, même les fadaises — qui sont nombreuses.
Car Claude est homme à dire les choses plutôt deux fois qu’une. Un spécialiste de la répétition. Serrant la main d’un inconnu pour se présenter — je l’ai entendu à deux reprises —, il lancera : « Claude, comme Debussy. » Quelle erreur ! Il n’est que Claude le promoteur qui ne compose rien, n’invente rien. Une pensée lui vient, il l’exprime à haute voix, puis elle lui revient et — pourquoi pas? — il la répète. Pour que son plaisir soit complet, il doit refaire vibrer l’air avec la même pensée. Il sait que vous savez qu’il se répète. Ce qu’il ignore, c’est que vous appréciez moins que lui. Un problème de référent, ai-je appris à l’écoute d’une conférence Reith de la BBC.
Voici un exemple des discours de Claude et de la façon dont je m’informe. Par téléphone (j’entends leurs deux voix), ma mère et lui se sont donné rendez-vous dans la soirée. Sans tenir compte de ma présence, comme souvent : un dîner aux chandelles. Comment je le sais ? Parce que l’heure venue, quand on les conduit à leur place, ma mère se plaint. Les bougies sont allumées sur toutes les tables, sauf la nôtre.
S’ensuit le soupir agacé de Claude, un claquement de doigts impérieux, le genre de murmure obséquieux qui émane sans doute d’un serveur courbé avec zèle, le crissement d’un briquet. À eux le dîner aux chandelles. Ne leur manque que la nourriture. Mais ils ont les menus imposants sur les genoux : je sens au creux de mes reins le bord inférieur de celui de Trudy. Et je dois écouter une fois de plus la diatribe de Claude contre la terminologie choisie, comme s’il était le premier à repérer ces absurdités dérisoires. Il s’attarde sur l’adjectif « poêlé ». Qu’est-ce que « poêlé », sinon une version trompeusement raffinée de « frit », vulgaire et mauvais pour la santé? Dans quoi, sinon dans une poêle, faire revenir ses coquilles Saint-Jacques avec du piment et du citron vert? Un sablier? Avant de poursuivre, il répète une partie de sa tirade en changeant d’intonation. Puis vient son deuxième dada, une importation américaine : le gruau. J’articule en silence son exposé avant même qu’il n’ouvre la bouche, quand une légère inclinaison de mon axe vertical m’indique que ma mère se penche pour poser un index dissuasif sur le poignet de Claude et dire doucement, changeant de sujet : « Choisis le vin, chéri. Quelque chose de splendide. »
J’aime bien partager un verre avec ma mère. Peutêtre n’avez-vous jamais goûté, à moins que vous ne l’ayez oublié, un bon bourgogne (son préféré) ou un bon sancerre (autre préférence) décanté à travers un placenta sain. Avant même l’arrivée du vin — un sancerre Jean-Max Roger, ce soir —, au bruit du tirebouchon je le sens sur mon visage, telle la caresse d’un vent d’été. Je sais que l’alcool amoindrira mon intelligence. Il amoindrit celle de tout le monde. Ah, mais comment résister à un joyeux pinot noir qui vous rosit les joues ou à un sauvignon aux arômes de groseille à maquereau, sous l’effet desquels je fais des cabrioles dans ma mer secrète, rebondissant sur les murs de mon château — ce château gonflable qui est ma demeure. Du moins en faisais-je quand j’avais plus de place. Désormais je profite calmement des plaisirs de la vie, et au second verre mes spéculations fleurissent avec cette licence qu’on dit poétique. Mes pensées se dévident en pentamètres bien cadencés, agrémentés d’enjambements. Mais ma mère ne prend pas de troisième verre, ce qui me peine.
« Il faut que je pense au bébé », dit-elle en recouvrant son verre d’une main prude. Me vient alors l’envie de saisir mon cordon huileux, comme on le ferait de celui, en velours, d’un manoir de campagne à la domesticité nombreuse, et de tirer d’un coup sec pour être servi. Ohé! Une tournée supplémentaire par ici !
Mais non, elle se rationne par amour pour moi. Et moi aussi je l’aime — comment pourrais-je ne pas l’aimer, cette mère que je n’ai pas encore rencontrée, que je connais seulement de l’intérieur? Cela ne suffit pas ! J’aspire à voir son moi extérieur. Tout est dans l’apparence. Je sais que ses cheveux ont « la blondeur de la paille », qu’une « pluie d’or de boucles folles » tombe sur ses épaules « à la chair aussi blanche que celle d’une pomme », car mon père lui a lu en ma présence un poème à la gloire de sa chevelure. Claude aussi l’a évoquée, en des termes moins inventifs. Quand ma mère est d’humeur, elle se fait des tresses bien serrées qu’elle enroule autour de sa tête — à la manière de Ioulia Timochenko, d’après mon père. Je sais également qu’elle a les yeux verts, que son nez ressemble à un « bouton nacré », qu’elle le préférerait un peu
plus saillant, que chacun de son côté Claude et mon père l’adorent tel quel et ont tenté de la rassurer. On lui a souvent dit qu’elle était belle, mais elle reste sceptique — ce qui lui confère un pouvoir innocent sur les hommes, lui a avoué mon père un après-midi dans la bibliothèque. Elle a répondu que si c’était vrai, elle n’avait jamais recherché ce pouvoir et n’en voulait pas. Leur conversation sortait de l’ordinaire et j’ai dressé l’oreille. Mon père, qui se prénomme John, a déclaré que s’il avait autant de pouvoir sur elle ou sur les femmes en général, il ne se verrait pas y renoncer. À l’onde de choc qui a soudain décollé mon oreille de la paroi utérine, j’ai deviné que ma mère haussait ostensiblement les épaules, comme pour dire : Donc les hommes sont différents. Quelle importance ? Par ailleurs, a-t-elle ajouté, ce prétendu pouvoir ne lui est conféré que par les fantasmes des hommes. Puis le téléphone a sonné, mon père est allé décrocher, et cette conversation rare et intéressante sur le pouvoir exercé par certains en est restée là.
Mais revenons à ma mère, à ma traîtresse Trudy dont j’aspire à découvrir le regard vert, les bras et les seins à la chair blanche comme celle d’une pomme, dont l’inexplicable désir pour Claude a précédé mon premier éveil à la conscience, mon « être » primitif, et dont les échanges avec lui se réduisent souvent à des murmures sur l’oreiller, des murmures au restaurant, des murmures dans la cuisine, comme si tous deux soupçonnaient la paroi utérine d’avoir des oreilles.
Je croyais que cette discrétion ne traduisait rien de plus qu’une intimité ordinaire entre amants. Mais j’en suis certain à présent : ils mettent leurs cordes vocales en sourdine parce qu’ils fomentent un affreux projet. Si ça tourne mal, les ai-je entendus dire, leur vie sera fichue. Ils pensent que pour le mener à bien, il faut agir vite, et sans délai. Ils s’incitent au calme et à la patience, se rappellent mutuellement le coût d’un échec, l’imbrication des différentes étapes, de sorte que si une seule manque, tout ratera, « comme avec les anciennes guirlandes lumineuses des sapins de Noël » — cette image impénétrable est due à Claude, qui dit rarement quelque chose d’obscur. Ce qu’ils projettent les dégoûte et les effraie, et ils sont incapables d’en parler ouvertement. Au lieu de quoi leurs murmures sont truffés d’ellipses, d’euphémismes, d’apories marmonnées, suivies d’un toussotement et d’un brusque changement de sujet.
La semaine dernière, par une nuit étouffante où je ne tenais pas en place et où je les croyais tous deux endormis depuis longtemps, ma mère a lancé dans le noir deux heures avant l’aube, près de la pendule du bureau de mon père au rez-de-chaussée : « On ne peut pas faire ça. »
Claude a répondu aussi sec : « Si, on peut. » Puis, après un moment de réflexion : « Bien sûr qu’on peut. »
2
Venons-en à mon père, John Cairncross, un immense gaillard, l’autre moitié de mon génome, dont le destin gouverné par une double hélice me préoccupe grandement. C’est en moi seul que mes parents fraient à jamais, doucement, amèrement, le long de deux brins complémentaires de bases azotées, la recette de mon identité. J’unis aussi John et Trudy dans mes rêveries : comme n’importe quel enfant de parents séparés, je voudrais les remarier, reconstituer cette paire de chromosomes, et réconcilier ainsi ma situation avec mon génome.
Mon père passe à la maison de temps à autre, et je suis fou de joie. Il apporte parfois à ma mère des smoothies achetés dans son magasin préféré de Judd Street. Il a un faible pour ces mixtures gluantes censées prolonger son existence. J’ignore pourquoi il nous rend visite, car il repart toujours entouré d’une brume de tristesse. Certaines de mes conjectures se sont révélées fausses dans le passé, mais j’ai écouté attentivement et pour l’heure je m’en tiens aux suppositions suivantes : il ignore l’existence de Claude, reste follement amoureux de ma mère, espère revenir vivre avec elle un jour prochain, croit encore à la version qu’elle lui a donnée, selon laquelle cette séparation doit offrir à chacun « le temps et l’espace nécessaires pour évoluer » et relancer leur couple. C’est un poète en manque de reconnaissance, et pourtant il persévère. Il possède et dirige une modeste maison d’édition, a publié les premiers recueils de poètes devenus célèbres, et même un futur Prix Nobel. Leur réputation faite, ces derniers partent tels des enfants adultes vers de plus grandes maisons. Il accepte leur déloyauté comme une réalité de l’existence et, avec l’abnégation d’un saint, se félicite des éloges qui célèbrent Cairncross Press. Il est plus attristé qu’aigri par l’insuccès de ses propres poèmes. Un jour il nous a lu une mauvaise critique, à Trudy et à moi. On y disait son oeuvre datée, d’un formalisme rigide, trop « esthétisante ». Or il vit pour la poésie, en récite encore à ma mère, l’enseigne, la recense, contribue à faire connaître les jeunes poètes, est membre de plusieurs jurys de prix, promeut la poésie dans les établissements scolaires, lui consacre des essais dans d’obscures revues, en parle à la radio. Trudy et moi l’avons entendu une fois aux petites heures de la nuit. Il a moins d’argent que Trudy, et beaucoup moins que Claude. Il connaît mille poèmes par coeur.
Voilà pour ma collection de faits et de postulats. Penché sur elle avec la patience d’un philatéliste, j’y ai ajouté quelques acquisitions récentes. Il a une maladie de peau, un psoriasis qui rend ses mains squameuses, rouges et rugueuses. Trudy déteste leur apparence et leur contact, et lui conseille de porter des gants. Il s’y refuse.