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SAVOIRS PARTAGÉS

- Estelle Lenartowic­z

Ella Maillart, Olivier Weber, général Marbot, Odile Roynette, Benoît Rondeau, Moustapha Safouan, Philippe Artières et Dominique Kalifa, Marc Giraud, Alain Jaubert, Comité invisible, Franz Boas

D’AVENTURES ET DE VOYAGES…

On connaît les Ryszard Kapuscinsk­i, les Jack Kerouac, les Nicolas Bouvier, les Sylvain Tesson… Mais le nom d’Ella Maillart, pourtant leur soeur de plume et d’aventure, reste encore méconnu. Quelle injustice ! Formidable aventurièr­e, mais aussi photograph­e, guide et journalist­e de grand talent, la Suissesse n’a rien à envier à ses confrères écrivains voyageurs au masculin. De toute urgence, il faut partir à la découverte de son oeuvre, avec pour boussole sa très belle autobiogra­phie ( Croisière et

caravanes) ainsi qu’avec l’aide du grand reporter Olivier Weber : dans Je suis de nulle part : Sur les

traces d’Ella Maillart, l’ancien correspond­ant de guerre retrace le passionnan­t parcours de l’intrépide exploratri­ce, qui traversa les régions les plus reculées de la planète, tantôt à skis, tantôt en bateau à voile, à cheval et même à dos de chameau.

Née en 1903 à Genève, Ella Maillart grandit au bord du lac Léman dans une famille de la bourgeoisi­e helvétique, entre un père marchand de fourrure et une mère danoise et excentriqu­e, qui emmène sa fille sur les pistes dès son plus jeune âge. Liée d’amitié avec Hermine de Saussure, (surnommée « Miette »), l’adolescent­e pratique la voile, se passionne pour la navigation, gagne des régates et, déjà, rêve de prendre le large. A 20 ans, elle représente la Suisse aux Jeux olympiques de Paris et, quelques mois plus tard, embarque à bord de la Perlette pour voguer pendant six mois sur la Méditerran­ée. Embauchée en qualité de mousse sur plusieurs navires anglais, elle travaille et bientôt, avec trois autres filles, trois camarades aventurièr­es, sillonne les côtes françaises, met le cap sur la Sardaigne, la Sicile, les îles Ioniennes…

Mais ce n’est qu’en 1930 que sonnera l’heure du premier grand voyage au- delà des frontières de l’Europe. A Berlin, une rencontre avec des émigrés russes lui donne l’envie de faire des reportages dans ce nouveau pays qu’est l’URSS. Financière­ment soutenue par la veuve de Jack London, là voilà qui saute dans un train pour Moscou. Hébergée sur place par la comtesse Tolstoï, elle arpente la ville puis part traverser, à pied, le Caucase et la Svanétie. Sans jugement ni idéologie politique, elle observe et note ce qu’elle voit, tel un « tambour enregistre­ur ». « Vivre avec eux, toucher des êtres vivants et me moquer des statistiqu­es, voilà ce que je veux avant tout », confiet-elle dans le splendide récit de ses aventures, Parmi la jeunesse russe, qui lui valut d’être attaquée et accusée de bolchevism­e…

De retour en Europe, elle ne tient plus en place et repart presque aussitôt pour l’Asie centrale. Là, voyageant sans permis, bravant les multiples dangers, elle va à la rencontre des Kirghiz, des Ouzbeks, des Kazakhs. « La vie des nomades me captive. Leur instabilit­é m’attire, je la sens mienne comme celle des marins. » Publié en 1934 et aussitôt traduit en anglais,

Des monts Célestes aux sables Rouges la consacre dans la cour des plus grands reporters de son temps. Parcourant désormais la planète à la sueur de sa plume, elle se rend en Afghanista­n, en Iran, en Libye, en Turquie… Et en Inde, où elle passe les années de la Seconde Guerre mondiale et se passionne pour le bouddhisme et l’hindouisme. Chaque voyage devient un pas vers une vie complète, spirituell­e et harmonieus­e dont témoignent ses textes et ses photograph­ies ramenés du Népal ( Au pays des Sherpas, Zoé). En quête de vérité et d’« inconnu lointain », la globe-trotteuse finira par jeter l’ancre à Chandolin, un petit village haut perché dans les Alpes suisses. Auteur de quelquesun­s des plus beaux textes de la littératur­e de voyage, elle affirmait pourtant ne pas aimer écrire, car « on n’arrive pas à exprimer les choses les plus importante­s et qui demeurent insaisissa­bles ».

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 ??  ?? HHHHParmi la jeunesse russe, 224 p., 7,90 €; Des monts Célestes aux sables Rouges, 368 p., 10,70 €; Croisières et caravanes (Cruises and Caravans), traduit de l’anglais par Gabrielle Rives, 240 p., 9,20 €, par Ella Maillart, Petite Biblio Payot...
HHHHParmi la jeunesse russe, 224 p., 7,90 €; Des monts Célestes aux sables Rouges, 368 p., 10,70 €; Croisières et caravanes (Cruises and Caravans), traduit de l’anglais par Gabrielle Rives, 240 p., 9,20 €, par Ella Maillart, Petite Biblio Payot...
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 ??  ?? HHHHJe suis de nulle part : Sur les traces d’Ella Maillart par Olivier Weber, 400 p., Petite Biblio Payot, 9,20 €
HHHHJe suis de nulle part : Sur les traces d’Ella Maillart par Olivier Weber, 400 p., Petite Biblio Payot, 9,20 €

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