Sur une île déserte...
LAURENT BINET* emporterait notamment Mémoire du feu d’Eduardo Galeano, Glamorama de Bret Easton Ellis et Pas Billy the Kid de Julien d’Abrigeon.
Disons que je laisse de côté les classiques comme Shakespeare et Tolstoï. Alors sur mon île, j’emporterais d’abord Mémoire du feu d’Eduardo Galeano, un livre aussi gros que la Bible, mais beaucoup mieux écrit et bien plus intéressant. L’écrivain uruguayen y retrace, sous la forme d’apologues poétiques, toute l’histoire de l’Amérique latine, des mythes précolombiens jusqu’à Salvador Allende. Je prendrais ensuite Glamorama, le chef-d’oeuvre de Bret Easton Ellis qui est, selon moi, le plus grand romancier vivant. La virtuosité dans les dialogues me laisse toujours béat d’admiration. Il a une faculté à créer
de petits décalages dans les conversations les plus anodines qui génèrent immédiatement la plus grande tension. Une capacité extraordinaire à mêler la satire burlesque et le drame existentiel – parce qu’en plus, c’est très drôle. Je n’oublierais pas non plus les oeuvres complètes de Robert Desnos, et spécialement La Liberté ou l’Amour et le recueil Corps et biens, ses contrepèteries écrites sous hypnose, récits de rêve, chroniques radiophoniques et poèmes pour enfants. Enfin, je choisirais Pas Billy the Kid de Julien d’Abrigeon. Un métarécit mi-biographique mi-mythologique, extrême- ment poétique et totalement actuel : « Billy n’est pas gaucher. La gauche n’est plus la gauche. » Ce grand livre est malheureusement épuisé parce que sa maison d’édition a fait faillite, mais on peut se rabattre sur son dernier ouvrage Sombre aux abords, une espèce de transposition de l’univers de Bruce Springsteen dans la campagne française. J’aime les gens qui font des ponts improbables. Pour moi, c’est la définition même de la créativité.” Propos recueillis par
Lenka Hudakova
*Dernier livre paru : La Septième
Fonction du langage (Le Livre de Poche). L’adaptation de son roman HHhH sortira sur les écrans le 7 juin.