FORMEZ VOS BATAILLONS…
Lorsque nous nous interrogeons sur les conditions de « fabrication » du citoyen et sur celles de la constitution de la communauté « civique » par quoi, depuis la Révolution, nous définissons la nation, nous pensons, d’abord, à l’école. Mais, il y a peu encore, on y associait le service militaire que la IIIe République, en plusieurs étapes, rendit universel. C’est à sa suppression, en 1997, qu’Odile Roynette entreprend de faire l’histoire de cette institution. C’est aujourd’hui, alors qu’on en entretient la nostalgie et que d’aucuns envisagent même de le rétablir, que ce bel ouvrage est opportunément réédité.
L’intérêt de Bons pour le service tient, d’abord, à sa méthode. Il s’inscrit dans le courant de l’histoire « par le bas », l’history from
below amorcé par le grand historien anglais, E. P. Thompson. Odile Roynette ne se contente donc pas de dire le contexte de l’entreprise – l’humiliation de la défaite de 1870 et la nécessité de reconstruire une armée nationale – ni de relater les différentes étapes législatives qui conduiront, en 1905, au service militaire universel et égal pour tous. Elle nous éclaire aussi sur les dures conditions de vie dans la caserne et sur le douloureux déracinement vécu par le conscrit transporté loin de son terroir d’origine. Aussi bien, ne faut-il pas idéaliser l’institution. Si le service militaire contribua efficacement au brassage géographique de la population, le brassage social, en revanche, n’est qu’un mythe. Le ressusciter ne saurait donc être la panacée.