MARCEL PROUST LECTURE, MA BELLE AMIE
Soyons honnêtes : les préfaces ne retiennent pas toujours notre attention. On froisse, on lit en diagonale ces premières pages (sans vouloir offenser leur auteur), avec pour seul but de se plonger aussitôt dans la lecture. Ce genre d’impatience bien particulière, Marcel Proust l’a connu mieux que personne et il l’a décrit, non sans ironie, dans une préface à l’ouvrage Sésame et
les Lys de John Ruskin – un auteur britannique dont il fut le traducteur et qui a largement influencé son style et ses créations. Rédigé avant la Recherche, ce texte moins connu de sa bibliographie est aujourd’hui à découvrir dans une édition Folio pour une somme modique. Plus qu’une simple introduction à l’oeuvre de Ruskin, Journées de lecture est une confession émaillée de phrases que l’on aimerait retenir à jamais. Proust y déclare sa flamme à son passe-temps chéri qu’il pratiquait avec la plus grande exigence : idéalement toute la journée, dans une quiétude religieuse. Et il construit, tout au long de ses réflexions sur la lecture, sa propre conception du temps qui passe, prenant les préfaces – oui, Proust en a rédigé plusieurs – comme un champ d’élaboration des grandes idées de la Recherche. Un exercice risqué pour les auteurs en question – au moins pour Jacques-Emile Blanche, pour qui, être préfacé par Proust, c’est « s’exposer à la douche écossaise de ses flatteries et de ses mots cinglants ». Sincères et piquants, ces textes sont maintenant à retrouver en intégralité dans le recueil La lecture est une amitié.