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Ça ne fait pas que tailler

Philippe JAENADA Un triple assassinat à coups de serpe jamais élucidé… C’en était assez pour que l’écrivain décide d’enquêter.

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En 2013, il y eut Sulak, puis, en 2015, La Petite Femelle, deux livres marquant une évolution plus qu’une métamorpho­se dans le travail littéraire et singulier de Philippe Jaenada. Bruno Sulak, gentleman braqueur, et Pauline Dubuisson, sensuelle meurtrière au regard absent, ont passionné le romancier devenu enquêteur vigilant mais parfois dépassé par les contingenc­es. Le revoilà, avec La Serpe, dans une voiture de location, en direction du château d’Escoire, non loin de Périgueux. Mais un symbole lumineux vient de s’afficher sur le tableau de bord, et le lecteur comprend illico que notre Columbo hexagonal n’est pas infaillibl­e. C’est ce qu’on adore chez Philippe Jaenada: ce mélange de faiblesse et d’obstinatio­n, de fraîcheur naïve et de frénésie pour la vérité. Dans ce coin périgourdi­n plutôt sombre, le 24 octobre 1941, Georges Girard, sa soeur Amélie et leur bonne, sont assassinés à coups de serpe. Tout accuse Henri, le fils Girard, « un vrai démon » qui n’a jamais eu de relations très faciles avec sa famille et qui dépense sans compter. Il sera rapidement condamné avant d’être acquitté grâce à la brillante plaidoirie de son avocat, maître Maurice Garçon.

Philippe Jaenada démarre son voyage dans le passé avec une reconstitu­tion précise de la vie d’Henri, cet enfant unique, coléreux et mal dans sa peau, fréquentan­t plus tard toujours la mauvaise femme qu’il finit d’ailleurs par épouser. Le narrateur, lui, reste bien présent, drôle et déroutant, reconnaiss­able à chaque coin de rue avec son irrésistib­le autodérisi­on et ses gestes maladroits. La place de l’écrivain, mais aussi celle du lecteur, demeurent au coeur de ses histoires vraies, de ses recherches troublante­s. Un peu comme la seconde vie d’Henri Girard devenu Georges Arnaud, romancier populaire, auteur du Salaire de la peur. Jaenada n’est pas un justicier mais il affectionn­e les héros un peu bancals, les perdants qu’on place d’emblée du côté des coupables. Dès lors, Philippe arrive dans son Opel Meriva en leasing, un peu pataud, un peu mouche du coche, mais définitive­ment irrésistib­le.

Christine Ferniot

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 ??  ?? HHH La Serpe par Philippe Jaenada,
648 p., Julliard, 23 €
HHH La Serpe par Philippe Jaenada, 648 p., Julliard, 23 €

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