Zone interdite
David LOPEZ Avec Fief, l’auteur donne voix à une jeunesse coincée entre la campagne et la banlieue.
Quand un lieu échappe aux définitions, il faut avoir recours à la fiction. Fief nous mène dans « une petite ville genre quinze mille habitants, à cheval entre la banlieue et la campagne. […] Autour d’ici c’est agricole et ouvrier. Ça implique que dans le centre il y ait autant d’agences d’intérim que de boulangeries » . Les jeunes ne sont ni « des p’tits bourges des lotissements » ni « des cailleras de cité » . Un entre-deux-mondes que politiques et sociologues ont appelé la « France périphérique ». C’est là où réside le narrateur, Jonas, boxeur amateur qui tape le sac en attendant le grand match – et la grande vie. Il y a Ixe, Untel, Poto, Lahuiss, Farid, Sucré, Romain. Ils fument, jouent aux cartes, font pousser de l’herbe. Ce n’est pas une affaire d’ennui, c’est juste la répétition du quotidien, dont David Lopez rend subtilement compte dans ce premier roman.
Mais le lieu vraiment exploré ici, c’est le territoire de la langue. On est ici « en mode coq » quand on parle du Candide de Voltaire ou lorsqu’on disserte sur la tchatche de la drague. On se bagarre pour « prendre le respect » et non pas l’apprendre. Tout est parlant, même la télé ( « L’écran parle fort à propos des informations » ). Cette énergie langagière restitue la vie qui s’oppose aux pétards et à l’empathie. Fief est ainsi porté par une écriture insoumise, qui devient le cadre d’une zone qui, au fond, n’a jamais été vraiment déterminée. Hubert Artus