Jour de peine
— Qu’est-ce qui ne va pas, Leyli? Vous êtes jolie. Vous avez trois jolis enfants. Bamby, Alpha, Tidiane. Vous vous en êtes bien sortie.
— Bien sortie ? Ce sont les apparences, tout ça. Du vent. Non, oh non, nous ne formons pas une jolie famille. Il nous manque l’essentiel. — Un papa? Leyli lâcha un petit rire. — Non, non. Un papa, ou même plusieurs, on peut bien s’en passer, tous les quatre. — Qu’est-ce qu’il vous manque, alors ? Les yeux de Leyli s’entrouvrirent, comme un store qui laisse filtrer un rayon de soleil et éclaire une chambre sombre, transforme en étoiles la poussière.
— Vous êtes bien indiscret, cher monsieur. On se connaît à peine, et vous croyez que je vais vous révéler mon plus grand secret?
Il ne répondit rien. Le store des yeux de Leyli s’était déjà refermé, replongeant l’alcôve dans l’obscurité. Elle se tourna vers la mer, cracha sa fumée pour noircir les nuages.
— C’est davantage qu’un secret, monsieur le petit curieux. C’est une malédiction. Je suis une mauvaise mère. Mes trois enfants sont condamnés. Mon seul espoir est que l’un d’eux, l’un d’eux peut-être, échappe au sortilège. Elle ferma les yeux. Il demanda encore : — Qui l’a lancé, ce sortilège ? Derrière le volet clos de ses paupières gronda l’éclair. — Vous. Moi. La terre entière. Personne n’est innocent dans cette affaire.