Ecrit sur divan
Simple, précis et plein d’anecdotes savoureuses, le Dictionnaire amoureux de la Psychanalyse est une réussite.
Il arrive à point, ce dictionnaire. La psychanalyse est une mal- aimée. Dédaignée par les neurosciences, ravalée au niveau des psychothérapies les plus baroques, assimilée au coaching charlatanesque, béquilles d’un moi défaillant : elle va sombrer, se dit-on. Il n’existe que des preuves d’amour, et Elisabeth Roudinesco, historienne éminente et psychanalyste, nous offre ce dictionnaire, fidèle à l’esprit de cette collection. On y entre, on y sort, au gré des humeurs. Loin de tout jargon désespérant ; les concepts de base (désir, angoisse, fantasme ou pulsion) sont évoqués avec simplicité. Et avec l’amour – la grande affaire de la vie de chacun, donc de la psychanalyse. On connaît la célèbre formule de Lacan: « L’amour, c’est donner ce qu’on a pas à quelqu’un qui n’en veut pas. » Le curieux voyagera dans les grandes villes agitées par la découverte de l’inconscient. Vienne, brûlant chaudron de la naissance douloureuse de la psychanalyse, Londres qui abrita la famille Freud jusqu’à sa mort en 1939, sinistre crépuscule de la civilisation. Paris, ville libre et rebelle où officièrent Marie Bonaparte, Lacan et tant d’autres pionniers qui contribuèrent à l’approche révolutionnaire de la vie psychique. Si on a envie de sourire, on peut aller à la lettre G. Qui sait que le compositeur George Gershwin atteint du « mal au ventre des compositeurs » , fit une psychanalyse et écrivit, en 1934, avec son frère, une comédie musicale caustique, Pardon my English ? Un jeune homme un peu toqué est suivi par Adler, Freud et Jung qui peuvent se dédoubler. « Nous sommes les six psychos du sexe ! », chantent- ils. L’article « Injures, outrances & calomnies » s’avère un répertoire inépuisable. La psychanalyse, « science juive », entreprise supposée de corruption morale, fut toujours poursuivie par la hargne antisémite de l’extrême droite, sous toutes ses formes. Dans un tout autre registre, Mme Roudinesco, ellemême, n’est pas étrangère à la lutte à couteaux tirés qui se livre dans le milieu analytique et constitue donc une cible de choix. Jusqu’à Lacan, plutôt amer, évoquant Freud, en 1977 : « Je crois qu’il a raté son coup. C’est comme moi, dans très peu de temps, tout le monde s’en foutra de la psychanalyse. » Freud en a vu d’autres… Alain Rubens